Paris va faire une nuit blanche

PARIS, 19 juin (AFP) - Mannequins errant dans le Palais royal, chambre perchée sur la Tour Eiffel, hôtel de ville devenant paquebot de luxe : les Parisiens auront toutes les raisons de garder les yeux ouverts du samedi 5 octobre à 19h30 au dimanche 6 à 8h00, pour la première « Nuit blanche » organisée par leur mairie. Christophe Girard, adjoint (Vert) de Bertrand Delanoë chargé de la culture - il préfère dire « adjoint à l'utopie » - a présenté, mercredi, aux côtés du chef d'orchestre de l'événement, Jean Blaise, le parcours artistique en trente-deux lieux inattendus et quarante créations. Cet élu du 4e arrondissement, qui aime étonner l'austère Conseil de Paris avec ses costumes roses, veut aussi bousculer une ville « assoupie » et qui tend à se claquemurer passé minuit, au contraire de New York ou Tokyo dont le pouls bat non-stop. L'idée, lancée par Girard rapidement après son arrivée à la mairie, visait à garder accessibles toute une nuit des jardins, piscines et monuments parisiens. Elle s'est infléchie, notamment sous l'impulsion de Jean Blaise, qui fut le créateur et l'âme des « Allumées » de Nantes. Ce festival lancé en 1990 et qui dura six ans (il se déroulait dans toute la cité, de 6h du soir à 6h du matin pendant six jours), fit aimer bien au-delà des frontières cette ville qui était un archétype de la province paisible.

Jean Blaise a placé la « Nuit blanche » parisienne sous le signe d'une création artistique exigeante. Au rebours de la Fête de la musique, sonore et nombreuse, elle se veut émotive, voire « spirituelle ». Le pari n'est pas mince puisqu'il s'agit de proposer au plus grand nombre des artistes pointus - vidéastes, « arbrutistes », performeurs...  -, dans des sites insolites : galerie de paléontologie du Muséum, façade de la Bibliothèque nationale, usine classée au cœur de Paris Rive Gauche... Cela donne l'intrépide Sophie Calle (No Sex last Night) installant sa chambre au troisième étage de la Tour Eiffel, qui fut la garçonnière d'Eiffel ; Pierrick Sorin mettant en scène dans des vitrines des Galeries Lafayette des saynètes animées ; le Procès de la nuit mené dans l'enceinte du Palais de justice ; l'enchantement en rouge et vert de la piscine Pontoise (5e arrondissement)...

Blaise ne craint-il pas l'hermétisme ? « Notre approche est ludique », affirme-t-il en souhaitant que la ville « s'empare » de cette nuit, que chacun composera à sa manière. Un accord est en cours avec la RATP pour des navettes nocturnes et peut-être deux lignes de métro. Le projet « Nuit blanche », qui coûtera 1,15 million d'euros, a été voté à l'unanimité au Conseil de Paris, relève l'adjoint qui avait, avant toute chose, obtenu l'assentiment du préfet de police. Cet événement tend aussi à ranimer des lieux (les anciennes Pompes funèbres dans le 19e arrondissement, la Gaîté Lyrique dans le 3e) qui vont vivre une nouvelle vie, les premières comme centre culturel, la deuxième comme conservatoire des arts électroniques. Paris, relève M. Girard, sera pionnière pour cette nuit artistique mais déjà plusieurs capitales veulent suivre ses traces, au premier chef Bruxelles.

Corinne Delpuech

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