Pomar, un grand cru portugais

Júlio Pomar est un des plus grands peintres portugais vivants. Antonio Lobo Antunes a présenté sa précédente exposition à Paris (galerie Pilzer) en écrivant un texte superbe. Un volumineux tome de son catalogue raisonné a paru récemment aux Éditions de la Différence ainsi qu'une très passionnante série d'entretiens avec Joachim Vital. Mais rien n'y fait, il est peu apprécié des amateurs français. Et pourtant, son œuvre picturale peut être classée parmi les entreprises encore hors du commun. Mais voilà : elle est inclassable. Pomar utilise des toiles aux formes composites, se sert du collage et de l’assemblage, pratique la figuration, mais vise une sorte de défiguration troublante. Sa gamme chromatique, sombre, parfois volontairement éteinte, n'est pas faite pour séduire, mais pour provoquer une réflexion esthétique qui commence par des sensations contrastées, dont certaines ne sont pas plaisantes. Le plaisir naît de la fréquentation de ses compositions complexes et qui ont toujours une dimension à la fois ludique et cryptée.

Du coq à l’âne
Toutes ses œuvres reposent sur des associations subtiles et parfois osées entre des objets et des figurations dont les relations ne sont pas évidentes d'emblée et sur des références à la littérature qui sont transposées et reformulées dans les termes spécifiques de la peinture. Un tableau intitulé Le Jugement de Pâris traite un sujet classique avec une joyeuse iconoclastie. Les trois Grâces sont changées en de rébarbatives statuettes « nègres » qui, à leur tour, se changent en d'autres formes presque abstraites auxquelles se mêlent d'autres éléments, etc. En sorte que le regard ne se lasse jamais de voyager dans cet espace qui donne d'infinies perspectives plastiques et d'incongrues rencontres figurales. Hercule et le Taureau de Crête est un hommage ironique à Picasso et Portrait de l'artiste en joueur de plume un délicieux clin d'œil aux dadaïstes, aux surréalistes et aux manipulateurs d'objets du Pop Art. Pomar est un artiste qui, au fil d'une longue carrière, a su pactiser avec Fernando Pessoa ou Lewis Carroll.