Toyen, La Reine de pique, 1926, huile sur toile, collection privée, Paris,
© Musée d’Art moderne de Saint-Étienne
Toyen, Éclipse, 1968, huile sur toile, collection privée
© Musée d’Art moderne de Saint-Étienne
| | Toyen ou le surréalisme fait femmeLe musée d’Art moderne de Saint-Étienne accueille une rétrospective de l’artiste tchèque.
Pourquoi consacrer une rétropective à cette artiste peu connue du grand public ?
Jacques Beauffet, commissaire de l’exposition. Toyen a passé une grande partie de sa carrière en France, il aurait été injuste de ne pas lui consacrer une exposition. Depuis quelques années, on assiste à une relecture de l’histoire de l’art visant à reconsidérer les artistes femmes comme Frida Kahlo, Claude Cahun ou encore Dora Maar. Pour le musée d’Art moderne de Saint-Étienne, il s’agit d’une continuité dans notre travail autour de l’avant-garde.
Quelle a été la place de cette artiste dans le courant surréaliste tchèque ?
Jacques Beauffet. Après avoir été marqué par le cubisme, lors de leur séjour parisien dans les années vingt, Toyen et son compagnon Styrsky fondent l’« artificialisme », par opposition au réalisme et au naturalisme. C’est alors la naissance de tableaux qualifiés d’abstraits combinant des effets de matières et générant des ambiances étranges. Après la création du groupe des surréalistes tchèques en 1934, Toyen se rapproche des représentants du mouvement en France, André Breton, Paul Éluard et les autres. Conformément à ce que Breton nomme « les Calqueurs de rêves », ses œuvres sont construites sur des associations d’images.
Peut-on parler d’ambiguité chez Toyen ?
Jacques Beauffet. Au-delà même de son pseudonyme qui laisse planer le doute quant à son sexe, Marie Cerminova s’est toujours opposée à l’image de la femme, symbole de douceur, de sensibilité et de fadeur. Il faut préciser que l’artiste exerçait dans un contexte essentiellement masculin, ce qui peut expliquer un certain parti pris dans les sujets étudiés. Aussi, certaines de ses œuvres érotiques n’hésitent-elles pas à prendre pour thème la femme « objet surréaliste ».
Peut-on voir ses œuvres dans des musées français ?
Jacques Beauffet. Le musée national d’Art moderne possède trois toiles, bien qu’aucune n’ait été présentée lors de la grande exposition sur le surréalisme ! Deux autres toiles sont conservées dans le fonds Paul Éluard du musée de Saint-Denis et au musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Il est très rare de voir une œuvre de Toyen sur le marché, les collectionneurs y sont fidèlement attachés.
| Stéphanie Magalhaes 01.07.2002 |
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