Wilfredo Lam, Madame Lumumba, 1938
| | Wilfredo Lam, le Picasso noirDésormais tourné vers la création noire dans son acception la plus large, le musée Dapper, à Paris, consacre une belle exposition au peintre cubain Wifredo Lam.
Rien de plus ennuyeux que les démonstrations appuyées en matière d’histoire de l’art ! Transcendant magnifiquement cet écueil, le musée Dapper « met en résonance » les toiles surréalistes de Wifredo Lam avec les sculptures africaines et océaniennes censées les avoir influencées. Lam « le métis » (pour reprendre le titre évocateur de l’exposition) est né de lui même de la conjonction de trois continents : l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Mêlant primitivisme et modernisme, ses œuvres portent la trace de cette alchimie secrète, de cette perpétuelle métamorphose.
Nul emprunt servile cependant chez cet artiste protéiforme remarqué par Picasso, initié par Breton. Peuplées de déesses-mères chevalines, de créatures chimériques dardées de crocs ou de défenses, ses toiles aux allures de totems disent leur filiation multiple : le continent noir bien sûr et ses statues hiératiques, mais aussi l’Océanie et l’Australie que lui révèlent bientôt ses amis surréalistes. À partir de 1943 de petites têtes cornues se faufilent, obsessionnelles, dans toutes ses œuvres. Souvenir lointain des masques Baoulé de Côte d’Ivoire ? Représentations à peine déguisées d’Elegua, déité que l’on invoque aussi bien à Cuba qu’en Afrique ? Ou, plus prosaïquement, simple signature de l’artiste ? Comme le résume magnifiquement Édouard Glissant - lequel, comme tant d’autres poètes, fut son ami intime - « sur cette épaule des dieux, l’œuvre de Wifredo Lam est une épure enluminée de tous les possibles du monde. »
| Bérénice Geoffroy 26.09.2001 |
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