Picasso, vue d’ensemble

Peut-on écrire sur Picasso sans l’avoir connu ou sans avoir fréquenté son œuvre pendant un demi-siècle, tant elle est colossale (environ trente mille originaux) ? C’est la question que se pose implicitement le maître d’œuvre de cette entreprise à priori insensée, Ingo F. Walther. Lui-même ne s’en est vraiment approché qu’en 1980, à l’occasion de la rétrospective « définitive » au Moma de New York. C’est la rencontre avec un bibliophile possédant cinquante mètres de linéaires d’ouvrages sur Picasso qui, loin de le décourager, le décida : il existe une infinité de livres sur Picasso mais aucun, maniable, accessible, qui rende compte de toutes les facettes de son talent. On pourra discuter cette interprétation mais le résultat est convaincant. La machine Taschen fonctionne ici à plein : bas prix en raison de l’énorme tirage, iconographie abondante et bien légendée, bonne reliure permettant de conserver le livre ouvert sans avoir à l’immobiliser avec les coudes…

Boxeur et queue de cheval
Le texte de Carsten-Peter Warncke suit un découpage chronologique que l’on peut qualifier de classique avec les périodes bleue et rose, les cubismes analytique et synthétique, Guernica, etc. Après le chant du cygne du « vieux sauvage », un chapitre court mais intéressant fait le point sur « la légende Picasso », puis une biographie détaillée tente de cerner, si cela était possible, son activité volcanique. Contrairement à d’autres créateurs, pas une année « vide » à l’exception de quelques-unes pendant l’enfance. Entre art, amours, voyages, pas de place pour l’ennui. Picasso en pose de boxeur, Picasso sous l’objectif de Dora Maar, Fernande Olivier en coiffe à dentelle, Sylvette David et sa célèbre queue de cheval en 1954 : un dossier photographique illustre l’envers du décor. L’ambition de l’ouvrage était d’embrasser toutes les techniques utilisées, sans négliger la céramique, le lino, la tôle découpée ou les sculptures en ciment et gravier. Mais, à le feuilleter, on saisit ce que Picasso a de profondément classique : l’essentiel de sa production, ce qui l’a fait entrer au panthéon des artistes, ce sont ses toiles…