Cohabiter, rue de MontreuilDans une ancienne cour industrielle, artisans et artistes tentent de contrer les appétits des promoteurs.
PARIS, 25 juin (AFP) - Sculpteurs, ébénistes, artistes-peintres, vernisseurs au tampon, plasticiens ou doreurs, les locataires d'un des derniers ensembles parisiens de cours industrielles du XIXe siècle, située au 37 bis rue de Montreuil (XIe arr), se battent depuis plus de dix ans pour préserver "un lieu d'échanges unique" de la gloutonnerie immobilière. Le premier porche franchi, le visiteur découvre une suite de cours où la pierre, la vitre, le métal et le bois se mêlent à la verdure. Les pavés, comme les façades, sont de guingois. Un bâtiment menace même de s'effondrer. Le site est un des derniers vestiges des "cités industrielles" construites grâce aux subventions accordées par Louis Napoléon en 1852. Les artisans du bois qui le peuplaient, sous-traitants du Faubourg Saint-Antoine tout proche, formaient alors un véritable village dans la ville. Au fil des décennies, l'industrialisation de ces métiers vide de nombreux ateliers qui seront investis à partir du milieu des années 1970 par des artistes.
Aujourd'hui, une quarantaine d'artisans et d'artistes cohabitent sur 4.000 m2 et défendent ardemment "une mixité parfaitement réussie" face à l'appétit des promoteurs immobiliers. Premier signal d'alarme au début des années 90. Un projet d'habitations mobilise la petite communauté, qui s'organise en association. L'ACI ("Ateliers Cours de l'Industrie") obtient sa première victoire avec l'inscription à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques des sols, façades, toitures et escaliers des trois cours principales. En 2001, nouveau projet immobilier, nouvelle mobilisation. L'ACI, qui dénonce par ailleurs "l'absence d'entretien des lieux" par son propriétaire, s'attache le soutien du maire du XIe, Georges Sarre (MDC), puis de Bertrand Delanoë (PS), tout juste élu maire de Paris. La Ville décide de préempter les lieux, mais échoue en raison d'un vice de forme qui laisse au propriétaire le choix de son prix et de son acquéreur.
Depuis, la Ville a réaffirmé son désir d'acquérir le 37 bis "pour maintenir et développer les activités actuelles", mais pas à n'importe quel prix. Entre temps, les lieux auraient déjà changé de propriétaire. "Il semblerait qu'une vente a été conclue en mars avec un groupement immobilier, mais officiellement, nous ne savons rien", indique Hélène Majera, artiste-peintre et porte-parole de l'ACI.
En attendant que la situation s'éclaircisse, les locataires campent sur leur position: pas question de transiger en acceptant un projet mixte associant des appartements aux ateliers. "Les artisans sont des nuisibles. Comme les artistes, nous sommes des producteurs de bruit et d'odeur. Entre nous, on se tolère, des habitants ne nous supporteraient pas", explique Yves Fouquet, sculpteur sur bois. Pour lui, "la décision est politique". "Il faut savoir si l'on veut transformer Paris en musée, où préserver des métiers vivants, qui perpétuent un savoir-faire", conclut-il.
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