La bibliothèque fantôme de ParmiggianiJuste avant la fermeture du musée des Beaux-Arts de Montpellier pour travaux, l’artiste italien y installe une «ombre de bibliothèque», aussi splendide qu’éphémère.
| Vue de l’installation.
© Françoise Monnin |
Dans la droite ligne de la définition mythique du dessin (la délimitation des contours de ce qui disparaît mais que l’on aime), la nouvelle installation de Parmiggiani, à Montpellier, est très émouvante. Selon un principe que l’artiste a déjà utilisé - au Musée d’art moderne et contemporain de Genève en 1995 notamment -, une pièce entière du musée a été détournée. Il s’agit de la bibliothèque, évacuée en l’an 2000, lors de l’ouverture de la nouvelle médiathèque de la ville. Dans cette haute salle à coursives datant de 1840, Parmiggiani a fait soigneusement restaurer et enduire de blanc les murs. Puis des rayonnages ont été disposés et, sur ceux-ci, des milliers de livres, donnés par la maison d’édition Flammarion, qui les destinait au pilon. Des tonneaux emplis de vieux pneus, disposés au centre de la pièce, ont été enflammés et se sont consumés, deux heures durant. Après l’évacuation de la fumée et le démontage des étagères, réalisé par des étudiants des écoles des beaux-arts de Strasbourg et de Montpellier, on a pu découvrir la silhouette de l’ensemble, dessinée sur les murs par la poussière noire : le fantôme grandeur nature d’une bibliothèque.
Devoir de mémoire
Son allure évanescente et l’infinie nuance de ses tons de gris stimulent fortement l’imagination des visiteurs. Bibliothèques brûlées et bûchers de vanités jalonnent en effet l’histoire des démocraties. Il s’agit ici, semble-t-il, d’une tentative pour opposer mémoire et barbarie. Le Parmiggiani de Montpellier est superbe. Il a coûté 61 000 € aux fonds publics. Voilà deux bonnes raisons pour le conserver ! Malheureusement, cela n’est pas prévu dans le cahier des charges de la restauration du musée, qui commence le 31 août. Les architectes concernés - Lajus, Pueyo, Brochet et Nebout - ne souhaitent conserver qu’un échantillon (240 x 460 cm) de la «Sculpture d’ombre».
| Françoise Monnin 30.07.2002 |
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