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Politique culturelle

La semaine de

Henry Chapier, président de la Maison européenne de la photographie

Lundi 7 octobre. Comme tous les lundis, je reçois les statistiques de fréquentation des expositions à la Maison européenne de la photographie. Nous pourrons savoir comment se comporte le festival @rt outsiders qui a ouvert le 18 septembre et qui finit le 20 octobre. Le succès du vernissage a été spectaculaire : 2108 personnes alors que nous n'en recevons en général que 1500. Et la tendance semble aller dans le même sens : je remarque que beaucoup de ceux qui viennent pour @rt outsiders, en sous-sol, ne montent pas toujours les étages pour voir les nus exceptionnels d'Irving Penn ou les panoramiques de Prague par Joseph Sudek !

Mardi 8 octobre. Je vais à la galerie Mabel Semmler. J'ai rencontré Mabel, une galeriste assez atypique, qui ne cherche pas à suivre la tendance. Mabel s'est prise de passion pour Christophe Luxereau, que nous présentions aussi à @rt outsiders. Il y a quelques années, Christophe m'a demandé les radios de mes genoux. Il s'en sert pour les faire basculer en œuvres d'art, sur la thématique de la prothèse, qui est aussi exploitée par David Cronenberg, par exemple. Je pense qu'il va se passer pour l'art numérique ce qui s'est passé avec la photo il y a deux décennies. Quand j'ai créé le Mois de la photo avec Jean-Luc Monterosso en 1980, il fallait aller draguer les conservateurs de musées pour leur dire que la photo, ça valait la peine ! À l'époque, il y avait des trésors dans les caves de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, des Atget par exemple. L'ordre et la beauté y règnent aujourd'hui. Il a fallu quelques années pour qu'un marché naisse vraiment en France. Aux États-Unis, il existait déjà. C'est pareil avec le numérique aujourd'hui : les collectionneurs sont encore timides mais il va y avoir un démarrage. On commence d'ailleurs à en voir, en Suisse notamment, où les Piaget ou les Thyssen sont très actifs.

Mercredi 9 octobre. Je rencontre Jean-Jacques Aillagon. Il est très fort pour solliciter l'argent des entreprises et des banques, et j'espère qu'il réussira dans ses projets fiscaux, notamment en ce qui concerne les fondations et le mécénat. Je me rappelle une exposition au Petit Palais sur les trésors d'Espagne et du Portugal, il y a une quinzaine d'années, lorsqu'il était directeur des affaires culturelles de la Ville de Paris. Il y avait là toutes les altesses royales ibériques et sur le carton d'invitation figurait le nom du partenaire, une banque. À l'époque, c'était une révolution !

Jeudi 10 octobre. Je me propose d'aller à l'exposition «Constable» qui vient d'ouvrir. Ces grandes expositions, comme «Matisse-Picasso» - qui révèle beaucoup de choses, qui est un beau travail chronologique - sont très bien montées. Mais elles sont entourées d'un tel tintamarre médiatique qu'elles mettent dans l'ombre les autres manifestations. Tenez, je suis fier d'une chose, c'est d'avoir dirigé les dernières pages «arts plastiques» de Combat, dans les années 1962-1964. À l'époque, on se sentait un peu une âme de croisé, on voulait réparer des injustices, on ressortait des artistes oubliés, comme Survage, qui était très connu quand il a vendu son Cheval blanc au tsar en 1911. Après, il a été éclipsé par Picasso. C'est Yvon Lambert qui a ensuite racheté son fonds d'atelier. Quand André Malraux a nommé son grand ami Roger Stéphane à l'ORTF pour combler les lacunes de la télévision en arts plastiques, ce dernier m'a demandé un 52 minutes sur Survage. Une chose que je ne pourrais pas imaginer aujourd'hui !


 Rafael Pic
07.10.2002