L'hybride selon McBrideLes œuvres métissées de l’artiste brouillent les frontières entre disciplines, entre matériaux, pour mieux souligner les ambiguités de notre civilisation.
| Rita Mc Bride, Toyota, 1990.
© Photo Douglas M.Parker,
courtesy: IAC Villeurbanne-Lyon. |
VILLEURBANNE. «Croissance générale» est la première exposition personnelle de Rita McBride en France. Née en 1960 à Des Moines dans l'Iowa, elle a vécu son «Œdipe artistique» sous la tutelle du mouvement minimaliste (Donald Judd, Robert Morris…). Un complexe rapidement liquidé avec l'élaboration d'une œuvre atypique marquée par l'humour, l'ambivalence, le détournement et le souci du présent. Du minimalisme, elle n'a conservé que certains aspects formels et l'idée d'expérience spécifique du spectateur avec l'objet. Au-delà, ses sculptures et installations renouent avec les notions de sens, de contexte et de représentation. L'artiste, en outre, procède à de fertiles croisements entre les disciplines (art, design, architecture), les pratiques (art, artisanat, procédés techniques) et les matériaux (triviaux, nobles, industriels).
Croissance générale ?
Le titre choisi par McBride est un clin d'œil à une époque soumise, de part en part, au paradigme économique. Les œuvres présentées, s'étalant de 1990 à 2002, s'offrent comme un parcours à la fois ludique, tactile et réflexif, sur les traces de cette modernité. L’exposition s'ouvre sur une œuvre clé : Backsliding, Sideslipping, one Great Leap and the Forbidden, reproduction partielle du rez-de-chaussée de la Villa Savoye de Le Corbusier. Rita McBride relit et réaménage ce symbole de l'architecture contemporaine. Une sorte de verrue, digne de Cronenberg, saille d'une colonne immaculée, onze petits bossus en bronze se suivent en file indienne, une forme organique en verre gît sur une marche… Autant de brèches, d'intrus introduits par l'artiste afin de bousculer les idées reçues. Ce sens, presque musical, du contrepoint se retrouve tout au long de l'exposition où l'objet imposant côtoie la sculpture miniature, le bronze le plastique, l'abstrait le figuratif. Avec la poésie du contrepoint ou l'ironie du contre-pied, McBride retourne et réinvestit les icônes de la civilisation industrielle (centrale nucléaire, consoles de jeux, automobile), comme les structures de l'espace public (arènes, parkings). L'exposition est, pour le visiteur, une suite d'expériences concrètes et jubilatoires. Chacune l'invite à s'interroger sur les significations et les hiérarchies cachées d'un environnement vécu au quotidien.
| Jean-Emmanuel Denave 26.10.2002 |
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