Les vacances d’été de MurakamiEn combinant techniques traditionnelles et bandes dessinées, Murakami définit un art nouveau, typiquement japonais, à découvrir à la fondation Cartier.
| Takashi Murakami, Dob in the strange
forest, 1999. Peinture à l'huile, acrylique,
résine, fibre de verre er fer © T. Murakami.
Courtesy Galerie Emmanuel Perrotin
Paris et Tomio Koyama Gallery, Tokyo.
Photo Courtesy Kaikai Kiki |
Murakami associe des pratiques traditionnelles - coloriage, découpage, aplats – avec une autre forme d’art du 2Oè siècle, les mangas, les bandes dessinées. Ses héros sont des petits personnages, des fleurs souriantes et décoratives rappelant les papiers peints psychédéliques des années 1970, de gigantesques champignons multicolores parsemés d’yeux et des images statiques sorties des mangas. Il y ajoute des clins d’œil à des peintres occidentaux, tel Francis Bacon. Et, l’on pourrait trouver dans ses coloris aigres-doux et dans ses monstres, une filiation lointaine avec les œuvres de Jérôme Bosch.
| Takashi Murakami, Cosmos 2002,
Sérigraphie sur papier
© Takashi Murakami, 2002
Photo Courtesy Kaikai Kiki |
Pour l’artiste, ses champignons sont des métaphores de la catastrophe atomique d’Hiroshima, ses fleurs, dans un rapport à l’art japonais traditionnel sont une célébration de la vie, de la prise de conscience de la fugacité des choses. Son personnage Mr. Dob, créé en 1993 – un O en guise de ventre, D et B en lieu et place d’oreilles - fait figure d’icône et d’autoportrait, logo–alter ego de l’artiste. Ses petits monstres séduisants, « mignons » (kawaii) tels Dob, Kaikai et Kiki définissent une identité japonaise qui ne distingue pas la culture populaire de l’art.
Dans son travail sur l’image, Murakami intègre des références culturelles populaires et des objets de consommation, en les avalisant sans analyse critique, à l’instar, selon lui, de la démarche de Warhol et du pop art. Toujours en hommage à la Factory de l’artiste Pop, l’artiste travaille en équipe. Dans cette perspective, il devient commissaire d’exposition et invite ses compatriotes - designers de mode, illustrateurs, dessinateurs de mangas - à participer à l’exposition parallèle intitulée Coloriages. Une planche de coloriage comme une métaphore de la situation artistique japonaise. Nourri d’influences, l’art japonais a longtemps emprunté ses contours à l’art européen puis américain. C’est aujourd’hui un art nouveau qui affirme sa spécificité.
Murakami définit sa trajectoire par l’adjectif « kiki kaikai » qui désigne à la fois un phénomène bizarre, inquiétant et un idéogramme chinois recouvrant les notions de hardiesse et de puissance. C’est au spectateur d’appréhender l’ambiguïté de son œuvre. Vraie peur, fausse peur, vrai monstre, faux monstre, monde séduisant ou obsessionnel dont on ne sort pas. C’est une utilisation décorative de ce qu’il y a de profond, d’ascétique et de mystérieux dans l’art traditionnel japonais. Un art qui satisfait le spectateur parce qu’il renvoie une image rassurante, déjà vue.
| Stéphanie Younès 17.08.2002 |
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