Faut-il rendre la Vénus de Milo ?En invoquant des principes d’universalisme, dix-huit musées occidentaux viennent de publier un manifeste contre la restitution systématique des œuvres d’art à leur pays d’origine.
| © The British Museum |
La pression accrue pour le retour des frises du Parthénon, qui trouve des adeptes en Grande-Bretagne même, et les rapatriements récents et hautement médiatisés d’objets égyptiens ou de statuettes nigériannes commencent à produire des effets tangibles. Un groupement de musées parmi les plus puissants du monde, pressentant le danger, a publié au début du mois un communiqué solennel. Il y est affirmé, en préambule, la nécessité de décourager tout trafic illégal d’œuvres d’art. Mais les signataires demandent, dans la foulée, que les pièces acquises dans le passé soient étudiées sous une autre lumière. De la Vénus de Milo (Louvre) à la pierre de Rosette (British Museum), ces objets font désormais «partie du patrimoine des nations qui en ont pris soin». En d’autres termes, ils n’ont pas vocation à entrer dans un mouvement général de «retour au pays». Outre qu’il porterait sur un nombre incalculable de pièces, ce mouvement - défendu dans le passé par Winckelmann ou par Quatremère de Quincy dans ses Lettres à Miranda (1798) qui lui valurent l’ire de Napoléon - se résoudrait en un gigantesque effet domino. Ainsi, si le Louvre rendait à l’Italie Les Noces de Cana de Véronèse - butin de guerre napoléonien -, l’Italie devrait rendre à l’actuelle Turquie le quadrige qui fait la gloire de Venise et à l’Égypte les nombreux obélisques qui garnissent les places de Rome, etc. Un grand remue-ménage dont les gagnants ne seraient probablement pas les chefs-d’œuvre eux-mêmes… «Les musées ne servent pas les citoyens d’une nation mais tous les peuples. Ils sont des agents de développement de la culture», poursuit le texte qui rappelle que l’estime dans laquelle sont tenus les arts anciens doit beaucoup à leur présence précoce dans des musées «universels». Comme pour donner tout son poids à cette initiative, le 11 décembre, le tribunal administratif du Latium a décidé de suspendre, de façon provisoire, la restitution à la Libye de la Vénus de Cyrène. Il rendra son jugement définitif le 15 janvier sur le recours présenté par Italia Nostra. L’association soutient que la Vénus fait partie du patrimoine italien et qu’il ne peut en être disposé que par voie législative.
Les dix-huit signataires : Art Institute of Chicago, Cleveland Museum of Art, J Paul Getty Museum (Los Angeles), Guggenheim Museum (New York), Los Angeles County Museum, Metropolitan Museum (New York), Museum of Fine Arts (Boston), Museum of Modern Art (New York), Philadelphia Museum of Art, Whitney Museum of American Art (New York), Alte Pinakothek et Neue Pinakothek (Munich), Musées nationaux (Berlin), Louvre (Paris), Opificio delle Pietre Dure (Florence), Prado (Madrid), Musée Thyssen-Bornemisza (Madrid), Rijksmuseum (Amsterdam), Ermitage (Saint-Pétersbourg), British Museum (Londres).
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