Couture sans domicile fixeLes créateurs actuels puisent leur inspiration de par le vaste monde. Le Printemps fait le diagnostic de ce nomadisme forcené.
| Manteau en daim brodé beige,
par John Galliano pour Christian
Dior, haute couture printemps-été 2002. |
PARIS. Comme chaque automne, le Printemps de la Mode dédie une partie de son cinquième étage à une exposition thématique. Cette fois-ci, c’est la version contemporaine des citoyens du monde, chers au siècle des Lumières, qui investit le lieu. «Citoyens Bohêmes» célèbre le nomadisme en s’appuyant sur les créations de mode prêt-à-porter et haute couture, mises en scène par Adrien Gardère, d’après un choix établi par Catherine Ormen, commissaire. Le scénographe, qui a vécu une partie de son adolescence en Inde n'en est pas à son coup d’essai. On lui doit notamment «L’Escamoteur de Jérôme Bosch», au Manège royal de Saint-Germain-en-Laye, et «Parfums et cosmétiques dans l’Egypte ancienne», au Musée du Caire.
Les cinq sens convoqués
Le carnet de route de ce voyage imaginaire est établi en cinq parties : nomadisme urbain ; habitat cocon ; les expressions de la fête et de la sensualité ; le temps, symbolisé par les signes du zodiaque ; le nomadisme historique des steppes de Mongolie à travers les notions d’espace, de liberté, de voyage et le territoire des translations, communication, identité. Le visiteur est invité à suivre ce parcours marqué au sol à l’aide d’un code couleur, calqué sur le modèle du métro londonien, et dont les noms de stations ont été remplacés par les mots-clés des parties concernées : métropole, dérive, réseau, déplacement, internet, ardeur, émoi… La pierre angulaire de cette construction est une yourte mongole - traditionnellement constituée de feutre, laine, crin de cheval, poils de chèvre et de yack - installée au centre de l’exposition. Sur ce symbole rassurant de l’abri itinérant, et à proximité, ont été suspendues et posées des créations de haute couture, pour certaines spectaculaires. La proximité entre le spectateur et ces splendeurs instaure une intimité qui se renforce au long d’un cheminement où tous les sens sont convoqués. Ainsi, des diffuseurs de parfums créés par Mane distillent, à certains endroits clés, des effluves de curry, de lait de cuir… Une table des musiques est dressée avec au menu Manu Dibango, Rachid Taha, Natacha Atlas… Un espace de créations tactiles invite à admirer et tâter des tissus «faits main», brodés, de perles, strass, laine… Une colonne d’ex-votos, touchante comme tous les lieux de mémoire, rassemble objets, images, photos dont, Ô surprise, une photo de Catherine Millet sur un quai de gare, évidemment nue sous un long manteau ouvert. Une vue repoussoir pour mieux se concentrer sur les toutes proches robes de Christian Lacroix ? Adrien Gardère a voulu montrer que «la nomadité est hybride, et constituée de nombreux territoires juxtaposés». Le message est bien reçu.
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