Accueil > Le Quotidien des Arts > La Macédoine immortalisée

Expositions

La Macédoine immortalisée

Juste avant 1914, le mécène Albert Kahn envoie deux hommes poser un regard d’ethnologue sur un monde amené à disparaître.


Juif séfarade, chef de la confrérie
Heva Nadich, 17 mai 1913.
© Musée Albert-Kahn -
département des Hauts-de-Seine.
BOULOGNE-BILLANCOURT. Mai 1913. Le photographe Auguste Léon et le géographe Jean Brunhes rentrent de la mission que leur avait confiée le financier Albert Kahn dans le cadre de la constitution des «Archives de la planète». Conscient de la menace de disparition qui guettait un grand nombre de faits de civilisation, ce dernier voulait, par ce projet lancé en 1909, garder l’image de «la surface du globe occupée et aménagée par l’homme telle qu’elle se présent[ait] au début du XXe siècle». Cette fois-ci, c’est en Macédoine qu’il mandata les deux hommes. Vingt jours durant, ils sillonnèrent ce pays et en fixèrent, par la photographie, «des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps».

Une population multi-ethnique
Parmi les plaques autochromes qu’ils rapportèrent de leur périple, une soixantaine sont actuellement présentées au Musée Albert-Kahn. Elles permettent de plonger au cœur de la population multiethnique des villes et villages, où se côtoyaient Macédoniens et Albanais, Serbes, Turcs et Juifs. Au fil des rivières, au détour d’une ruelle, dans les cours des maisons, sur le seuil des échoppes, se découvre le quotidien des petits artisans - peaussiers, boulangers, cordiers, ferblantiers, commerçants des bazars - ou des paysans. Parfois saisis en plein travail, labourant leur champ ou foulant, dans des cuves en pierre, les peaux pour les assouplir, le plus souvent, toutefois, ils posent, figés, fixant intensément l’objectif. Le regard porté par le photographe est volontairement ethnologique, s’arrêtant par exemple sur les costumes richement brodés. Outre cet attachement à rendre la diversité de l’artisanat, des traditions et des populations, Auguste Léon s’est intéressé à l’architecture : mosquées héritées de l’empire ottoman qui domina la Macédoine de 1371 à 1912, caravansérails, citadelles, églises, synagogues, maisons à l’architecture typique en encorbellement. Hommes et monuments resplendissent de couleurs grâce à cet étrange procédé des débuts de la photographie, l’autochrome, à base de fécule de pomme de terre…


 Caroline Lécharny
15.11.2002