Perret ou le béton élégant

LE HAVRE. Forgée dans le béton, la ville s'est peaufinée à l'air normand et au vent marin jusqu'à prendre les couleurs du temps. Auguste Perret en eut la prémonition, lui le reconstructeur de la ville éradiquée par les bombardements. L'exposition, la première qui lui est consacrée, ainsi qu'à ses frères Gustave et Claude, à la Maison André Malraux, rompt avec les habituelles évocations d'architecture, compréhensibles uniquement par les professionnels. Cette fois-ci, les plans, les dessins sont accompagnés d'explications lisibles. Ils voisinent avec des portraits dus au peintre Van Ruysselberghe, avec des objets de la vie quotidienne qui nous font entrer dans l'intimité de l'inventeur de l'«Ordre» du béton armé. L'exposition évoque également ses relations avec Guillaume Apollinaire, Paul Valéry et Maurice Denis.

«Un nabab marrant»
Une quinzaine de maquettes, certaines comme celle de l'église Saint-Joseph, de 3 mètres de haut, sont en elles-mêmes de véritables œuvres d'art et nous emmènent parfois loin du Havre. Au 1/33e, elles révèlent les détails de la construction, l'ossature et les espaces intérieurs. Les plus belles sont celles de l'église du Raincy, baptisée «Sainte Chapelle du Béton armé», du Théâtre des Champs-Elysées (où sont même reproduits les fauteuils rouges et la statue de Bourdelle), les quatre versions de la tour de l'Hôtel de ville du Havre et la superbe église de Carmaux jamais construite. Il était aussi - c'est une révélation - le créateur d'un mobilier presque «cosy». Pour son élève dissident Le Corbusier, Perret était «un nabab marrant». On ne s'en aperçoit guère en flânant dans les rues austères du Havre, ni à travers une exposition mal éclairée. Et si pourtant Perret, déroutant créateur du béton élégant, était un génie ? À revoir en 2004, quand l'exposition actuelle fera l'ouverture de la Cité de l'architecture au Palais de Chaillot. Si Cité de l'architecture il y a...