Zao Wou-Ki, artiste«J’ai quelques dessins de Giacometti mais pas de bronze. Chaque fois que je lui en demandais un, il me répondait : ”Il n’est pas encore fini”»
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Lundi 21 octobre. Mon ancienne école, à Hang-Tcheou, m'a invité à passer quelques jours en Chine pour en fêter l'anniversaire, du 21 au 25 octobre. Ce n'est pas, comme on fait ici, un rendez-vous fixé longtemps à l'avance : on vient de me le proposer ! Je n'ai malheureusement pas le temps d'y aller. Depuis mon arrivée en France en 1948, je suis retourné à plusieurs reprises dans mon pays d'origine. Mais maintenant, je voyage moins. J'ai 82 ans, je préfère travailler. J'ai commencé un grand diptyque.
Mardi 22 octobre. Je reçois une étudiante américaine qui fait une thèse sur Sam Kootz, qui a été mon marchand à New York. C'était une personne très chaleureuse. Il insistait même pour que je m'installe aux États-Unis ! Kootz travaillait avec de nombreux peintres. C'est lui qui m'a présenté à Rothko ou à Barnett Newman, dont je suis devenu très ami et qui est mort trop jeune. Avec Soulages ou Mathieu, j'ai l'impression d'être un survivant ! La plupart de mes amis peintres sont morts : Vieira da Silva et Hartung, qui habitaient à côté, Riopelle, Joan Mitchell et Poliakoff. Et Giacometti, que j'ai fréquenté pendant 17 ans, quand j'habitais rue du Chemin-Vert, près de son atelier de la rue Hippolyte-Maindron, dont les portes étaient toujours ouvertes. J'ai quelques dessins de lui mais pas de bronze. Chaque fois que je lui en demandais un, il me répondait : «Il n'est pas encore fini»…
Jeudi 24 octobre. Pierre Levai, le patron de la Marlborough Gallery, vient à mon atelier en vue de l'exposition du printemps prochain. Les tableaux sélectionnés sont là, dans le coin. C'est la première fois depuis dix ans - date de la mort de Pierre Matisse - que je vais exposer à New York. On y verra notamment mon triptyque en hommage à Henri Michaux. J'étais très proche de Michaux. Je faisais très peu d'encre de Chine et c'est lui qui m'a poussé dans cette voie. Quand je l'ai connu, il était très célèbre et je ne parlais pas bien le français. Il a demandé à voir des lithographies que je venais de faire. Il les a emportées chez lui et il a tout de suite écrit des poésies.
Vendredi 25 octobre. Avec mon épouse Françoise Marquet, nous dînons chez Annie et Bruno, des amis et voisins qui réunissent des collectionneurs. S'il vous faut quelques chiffres, puisque nous sommes en pleine semaine de la FIAC, je vous dirai que j'ai peint environ 1500 tableaux dans ma vie. Le premier date de 1935, je l'ai gardé. Il y a quelques mois, j'ai appris que l'on vendait des faux Zao Wou-Ki, des dessins. Cela m'a dégoûté de faire de l'encre de Chine. Nous allons préparer un catalogue raisonné, comme pour la peinture.
Samedi 26 octobre. Je vais à Chenonceau avec Brigitte et Richard Texier, une semaine avant la fin de mon exposition. L'accrochage y était difficile, à cause de la forme de la galerie, longue de 65 mètres et large de 8 mètres, mais la lumière y est magnifique. J'admire le résultat. Je pense que je serais incapable d'organiser aussi bien une exposition de mes propres œuvres !
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