Redécouvrir Alechinsky

Pierre Alechinsky, vu son âge vénérable et sa haute réputation, est devenu un monument. Chacune de ses expositions est visitée avec respect, admiration et le sentiment de ne plus jamais être surpris. Ce peintre qui est issu du groupe nordique Cobra, qui a partagé et ses audaces et ses intransigeances, est désormais ce que les Japonais appelleraient un «trésor vivant», incontestable, incontournable, mais appartenant à un passé enjolivé. Avec ce livre dont il confie à Marcelin Pleynet le soin de produire le commentaire littéraire, le voici qui rétablit son art dans une optique ludique et même facétieuse. Conçu comme un ouvrage destiné à la petite enfance, ses tableaux se découvrent, au gré de pliages et de dépliages, dans un mouvement facétieux qui part de l'année 1965, quand il travaillait à La Bosse, dans l'Oise.

Une fraîcheur retrouvée
Cette manière désordonnée et volontairement arbitraire et burlesque de présenter ses créations nous les restituent, en dehors de tout ordre chronologique ou conceptuel, par pure association visuelle ou verbale. En effet, l'écrivain s'est servi à la fois des titres des toiles et de leurs dispositifs formels, chromatiques et figuratifs pour agencer des compositions parallèles et complémentaires, elles-mêmes placées sous le signe de l'humour et du pur jeu de l'esprit. Le résultat est un livre riche et surprenant et, en fin de compte, capable d'éclairer son projet sous une lumière vivace, lui restituant de l'ampleur. Le fait est qu'Alechinsky redonne une fraîcheur et une sensation de nouveauté à cet art peut-être trop connu et qu'on regarde sans plus le voir dans sa vérité. C'est un livre qui retrouve le goût de la provocation des membres de Cobra, sans tomber dans le piège de croire à une jeunesse éternelle. Et l'auteur s'est coulé avec aisance dans ce moule singulier et y a trouvé sa place, modestement.