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Patrimoine

Le musée aux 181 Renoir en faillite ?

Malgré sa collection unique de maîtres modernes, la fondation Barnes est au bord de l’asphyxie financière. Son avenir est, une fois de plus, entre les mains des tribunaux.


Pierre-Auguste Renoir, La toilette,
c.1900, h.s.t., 145,1 x 94,9 cm
© Barnes Foundation
PHILADELPHIE. Des Cézanne, des Renoir, des Monet, des Matisse, des Picasso par centaines. Et voir l'avenir en noir… Dans la banlieue de Philadephie, l'extraordinaire ensemble d'un milliardaire américain, ami de Durand-Ruel, Vollard et Paul Guillaume, risque d'être démantelé. C'est du moins le spectre qu'agitent les dirigeants actuels pour obtenir un changement des statuts de la fondation. À cet effet, ils ont demandé le 24 septembre aux juridictions compétentes l'autorisation de déménager vers le centre de Philadelphie où un nouveau bâtiment, d'un coût de 150 millions $, serait construit avec l'aide de divers sponsors, dont Pew Charitable Trusts. Ce déplacement de quelques kilomètres, a priori anodin, soulève en réalité des problèmes quasiment insolubles. Le bon docteur Barnes (1872-1951), qui avait tiré sa fortune de l'invention d'un antiseptique oculaire, l'Argyrol, avait posé quelques principes rigides lors de la création de sa fondation, en 1922. Pour en démocratiser l'accès, le droit d'entrée devait être minime (il est aujourd'hui de 5 $). Pour favoriser un contact unique avec les œuvres d'art, la visite devait se faire uniquement sur réservation (selon la légende, Barnes en aurait refusé l'accès à l'écrivain T.S. Eliot et James Michener n'aurait réussi à en franchir le seuil qu'en se faisant passer pour un ouvrier des aciéries voisines). Enfin, pour contribuer à la lutte contre le racisme, la Lincoln University, une institution noire, devait disposer de la majorité absolue au conseil d'administration - quatre fauteuils sur cinq. Les conséquences de cette approche généreuse sont faciles à deviner : la fréquentation ne dépasse pas 5 000 visiteurs par mois, le chiffre d'affaires est insignifiant et le «fund-raising», ou levée de fonds, sport favori des administrateurs américains, est notoirement insuffisant. La survie ne passe aujourd'hui que par l'aide d'autres organismes comme le J. Paum Getty Trust. Une situation d'autant plus insupportable pour les conservateurs du musée que l'on se souvient encore du succès spectaculaire de la tournée européenne, qui avait attiré cinq millions de personnes en 1993 et fait entrer 17 millions $ dans les caisses. Une opération qui avait déjà dû être arrachée de haute lutte devant les tribunaux, les statuts interdisant le prêt d'œuvres d'art…


 Rafael Pic
14.10.2002