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Politique culturelle

Renaudie, le poème de l’angle

Avec ses immeubles en étoile, l’architecte a profondément marqué Ivry.


Aménagement du Centre d’Ivry-sur-Seine,
dessin d’architecture, c. 1970, feutres de
couleur et crayon gras sur papier,
37,5 x 77,5 cm, collection du Centre
Pompidouerne / Cci.
© Photo CNAC/MNAM Dist. RMN
Georges Meguerditchian.
IVRY-SUR-SEINE. Interroger une architecture dans son contexte alors que celle-ci est en voie de réaffectation : telle est la démarche de cette rétrospective du travail de l’architecte Jean Renaudie (1925-1981), concepteur dans les années 1970 du centre-ville d’Ivry-sur-Seine. Fruit d’un heureux accord entre le Centre Pompidou et la municipalité d’Ivry, cette exposition satisfera amateurs d’architecture et riverains, curieux de découvrir le travail du maître d’œuvre de leur environnement urbain. Soucieux de proposer une alternative à la médiocrité des barres et tours du logement social, Renaudie livra à Ivry ces immeubles en étoile qui s’étagent dans le centre-ville, étrange imbrication de passages et de terrasses, de béton brut et de végétation. Innovation de la forme, certes, mais pas seulement. Car ici règne la mixité des fonctions, commerces, bureaux, logements et équipements publics s’y mêlant sans complexes. Noble idée, qui révèle aujourd’hui ses limites : les commerces désaffectés du centre Jeanne Hachette - où se tient l’exposition - sont rachetés par une municipalité inquiète de leur devenir.

Pionnier du logement social
Ivry fut un tournant pour l’architecte : sa rupture de 1968 avec l’atelier de Montrouge, dont il avait été l’un des membres fondateurs avec les Riboulet, Thurnauer et Véret, est ici consommée. Abandonnant l’esprit de Le Corbusier qui le hantait, Renaudie peut travailler librement sur la forme : il n’aura alors de cesse de construire sur l’angle, comme en témoignent l’étonnant groupe scolaire des Plants à Cergy-Pontoise ou la rénovation du Vieux-Givors. Avec efficacité et modestie dans sa mise en scène, Olivier Cinqualbre, commissaire de l’exposition, met en valeur la production graphique de Renaudie. Ses esquisses nerveuses et expressives, présentées en contrepoint aux documents traditionnels, tendent vers une abstraction librement inspirée de travaux sur la biologie cellulaire, à l’antithèse du projet urbain. S’y révèle un architecte de la complexité, désireux d’apporter sa pierre à l’édifice du logement social.


 Sophie Flouquet
01.11.2002