Derrière la Revue blanche…

PARIS. Certaines images sont bien connues : une scène de manifestation condensée en noir et blanc par Vallotton, un tigre rugissant de Ranson, ou une petite blanchisseuse de Bonnard ployant sous le poids du linge transporté. Il ne faut pas se fier à ces icônes de l’univers nabi. Avec près de 280 œuvres, l’exposition de la galerie Berès va bien au-delà des lieux communs. De cette accumulation et de l’habile juxtaposition des différentes étapes d’un même travail naît une première révélation. Vuillard, audacieux, se lançait d’emblée sur la pierre lithographique, quitte à faire de nombreux essais dont témoignent les études de La Sieste. À l’inverse, Bonnard hésitait et travaillait longuement à l’aquarelle et à la mine de plomb avant d’aborder la pierre d’un trait sûr. C’est ainsi qu’il procéda pour la Scène de famille, une œuvre qui rappelle au passage que la lithographie n’était pas toujours un point d’aboutissement.

Prophètes en leur pays
Ce foisonnement d’œuvres reflète également le dynamisme d’une époque pendant laquelle un groupe d’érudits - peintres, illustrateurs, chroniqueurs et décorateurs de théâtre à leurs heures - travaillent de concert, emportant dans leurs pas une foule d’artistes qui n’ont pas connu la même fortune critique. On retrouve ainsi le talent d’Hermann-Paul dans des lithographies efficaces consacrées aux élégantes parisiennes et aux modistes, tout comme celui de Jean-Émile Laboureur, plus cloisonniste qu’un «prophète» (nabi en hébreu) dans Le jardin, un bois gravé rehaussé à l’aquarelle, dont les plages de couleurs pures sont cernées de noir. On y découvre également Lecourt, céramiste et ornemaniste dont les Arbres reprennent les lignes verticales des compositions sacrées de Maurice Denis, avec les techniques propres au verre opalescent et émaillé.