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Expositions

Gainsborough , l’exposition définitive ?

En réunissant deux cents œuvres, la Tate Britain porte un regard neuf sur le grand portraitiste du XVIIIe siècle.


Thomas Gainsborough,Mr and Mrs Andrews
© Royal Academy of Arts, London
LONDRES. La critique éprouve quelque difficulté à parler de Thomas Gainsborough (1727-1788) sans rapprochements réducteurs avec ses prédécesseurs ou avec ses contemporains. Si l’artiste a bien été sensible à l'esthétique rococo, s'il a admiré les paysages de Ruysdael et puisé son inspiration chez Rubens, Claude Lorrain ou Van Dyck, il incarne avant tout un esprit de liberté. Son talent se forge et s'épanouit loin de Londres, à l'écart des influences dominantes, à Ipswich, puis à Bath, où il trouve sa clientèle. Pour lui qui n'a pas fait le voyage en Italie, indispensable à tout peintre avide de notoriété, l'élégante société de la ville d’eau lui permet d'accéder à des collections privées et de compléter son apprentissage d’autodidacte.


Thomas Gainsborough,
Autoportrait
© Royal Academy of Arts, London
Un chroniqueur impitoyable
Au centre du parcours, une galerie présente une sélection de toiles que Gainsborough avait choisi de présenter en 1761, dans le cadre de la Society of Artists, et en 1769, dans celui de la New Royal Academy. Conscient des nouvelles opportunités que constituaient ces expositions publiques, l’artiste se montra très exigeant, déplorant souvent la scénographie, en particulier l’accrochage trop haut des tableaux. Jouxtant cette grande galerie centrale, des salles adjacentes éclairent d’autres aspects de son œuvre à travers les thèmes de la pauvreté (Fille de ferme avec chien et pichet) ou de la sensibilité, si en vogue à la fin du XVIIIe siècle (Lady Brisco). Chez Gainsborough, l’homme et le paysage sont étroitement imbriqués, comme s’il s’agissait de mieux démasquer la comédie des apparences en la confrontant à une vérité supérieure, intangible. Et s’il a souvent versé dans des fancy pictures, des scènes sentimentales champêtres qui étaient du goût de ses commanditaires, Gainsborough a su se montrer un chroniqueur impitoyable. Dans le célèbre portrait de Mr et Mrs Andrews (vers 1750). Ou dans celui, double, des époux Ligonier (Huntington, Californie), recomposé pour la première fois sur le sol anglais. Le vicomte, cocu timide, s’appuie gauchement sur son cheval. Son épouse, déhanchée, le regard impudent, avoue ce qu’elle est en réalité, une croqueuse d’hommes. Voir derrière les apparences, «derrière l’usage ridicule des déguisements» : c’était le premier souci de Gainsborough…


 Muriel Carbonnet
02.11.2002