Jean-Luc Godard / J-P Gorin, Cinétract n°26, Nous sommes tous des juifs allemands, 1968.
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| | Mots en haute résolution«Sans commune mesure», un ensemble de trois expositions, explore les relations entre l’écrit et le visuel dans l’art contemporain.
Récurrent dans l’histoire de la modernité, le croisement du texte et de l’image reste toujours d’actualité. Au Centre national de la photographie, sont montrés sept artistes qui utilisent de manière radicalement différente les deux moyens d’expression. Pour Robert Franck, le texte superposé aux photographies sert à en redoubler l’aspect poétique, tandis que Ken Lum, caricature l’usage publicitaire de ces deux médias associés. Dans leurs Ciné-tracts de 1968, Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin utilisent un récit en sous-titre pour mieux faire passer le message politique de leurs films. Pour François Fédier, une captation vidéo, Antoinette Ohannessian, filme les séminaires du philosophe et fait ainsi de l’énonciation d’un discours un motif artistique.
Mariage de mots
Si l’exposition du Musée d’art moderne de Lille constitue la partie historique de «Sans commune mesure» - ce qui permet de (re)voir des pièces essentielles de Raoul Hausmann, de Josef Kosuth et surtout Roadside gas sign de Walker Evans, une série de photographies sur les graffitis et les enseignes - c’est au Fresnoy que se trouvent les œuvres les plus marquantes. À côté de Silent movie de Chris Marker, installation réalisée pour le centenaire du cinéma et de Broadway by light, le premier chef-d’œuvre cinématographique de William Klein, les pièces de Patrick Corillon et de Charles Sandison incarnent l’actualité du sujet. Par un dispositif vidéo juxtaposé à un récit littéraire, le premier associe le texte et l’image pour mieux faire prendre corps à l’imaginaire de son protagoniste, Oskar Serti, qui est ici promu professeur de théologie, obsédé par les charmes de ses étudiantes. Pour Sandison, jeune artiste écossais, le mot est la matière que sculpte sa vidéo-projection contrôlée par un programme informatique, «Male» et «Female» lorsqu’ils se rencontrent, générant les lettres «C-h-i-l-d» et ainsi de suite jusqu’à «Old». Une arborescence langagière à l’image des rapports texte-image : une histoire de reproduction qui ne cesse de se perpétuer.
| Frédéric Maufras 19.11.2002 |
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