Images du monde flottantSotheby’s met en vente la spectaculaire collection d’estampes japonaises d’Huguette Bérès.
| Toshusai Sharaku,
Sakata Hangoro III dans
le rôle de Fujikawa Mizuemon,
1794, 37 x 24 cm,
estimé 140 / 180 000 €.
© Sotheby’s. |
PARIS. Voilà bien longtemps que le marché de l’estampe japonaise n’est plus à Paris. Le temps où les marchands Samuel Bing et Hayashi Tadamasa y orchestraient la découverte des ukiyo-e («les images du monde flottant»), relayés par Edmond de Goncourt, est bel et bien révolu. La vente de la collection Huguette Bérès (1914-1999) tendrait pourtant à faire penser le contraire. C’est en effet à la galerie Charpentier qu’on procèdera à la dispersion de ces deux cent trente lots estimés entre 4,4 et 5,5 millions €, le plus grand ensemble depuis la célèbre collection Henri Vever que Sotheby’s a proposée à Londres entre 1974 et 1997. L’ancrage historique de cet ensemble n’est sans doute pas étranger à cette décision. À une époque où les estampes japonaises étaient tombées en désuétude, Huguette Bérès s’enthousiasme pour cet art et les prolongements qu’il trouve en Occident à travers le japonisme… Une passion qui devait l’entraîner à ouvrir une galerie quai Voltaire en 1952 et à dédier des expositions aux grands maîtres du genre : Hiroshige, Utamaro, Hokusai, Sharaku, pour ne citer qu’eux.
Oiseaux, fleurs et érotisme
Cette collection compte environ cent cinquante estampes, une trentaine de livres illustrés et autant de dessins sur papier fin, comme le poétique Homme aux papillons ou les étranges Etudes de squelettes en action dans des attitudes humaines de la main d’Hokusai. Reflétant l’ensemble des thèmes appréciés par les artistes actifs entre la fin du XVIIIe et la fin du XIXe siècle, les estampes représentent des courtisanes, des acteurs du théâtre kabuki, des scènes de la vie quoditienne, des scènes érotiques, des compositions d’oiseaux et de fleurs… Certaines d’entre elles sont particulièrement rares ou fameuses. C’est le cas de Mono omou koi, L’amour pensif d’Utamaro, le portrait d’une femme la tête appuyée sur sa main qui figura à la vente Vever de 1974 (280 000 €), de portraits d’acteurs saisis par le mystérieux Sharaku dont les cent quarante cinq estampes connues ont été créées en seulement quelques mois. C’est enfin le cas de Kakoi Komachi, une Komachi très désirée de Toyokuni, une épreuve au fond moucheté rehaussée de laque représentant le départ d’une geisha vers une fête, accompagnée de sa servante dont la lanterne éclaire les deux visages (90 000 €). Le lot le plus impressionnant reste cependant une série complète des Trente-six vues du Mont Fuji d’Hokusai proposée pour 1,4 million €.
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