Le dernier des Mantegna

NEW YORK. Le motif n’est pas un classique de l’iconographie chrétienne : le Christ, après la crucifixion, descend aux limbes pour y libérer les âmes des Justes. Les Justes, c’est-à-dire tous ceux qui auraient pu mériter le paradis mais qui ont eu la malchance de décéder avant lui… On trouve dans cette cohorte Virgile, les prophètes ou Jean-Baptiste. «C’est le type de tableau que l’on ne vend qu’une fois dans sa vie, s’enthousiasme Christopher Apostle, directeur du département de peinture ancienne à New York. «Son pedigree est impeccable. Il figure dans les inventaires des ducs de Gonzague, à Mantoue, au XVIIIe siècle. Il a ensuite appartenu aux Durazzo de Gênes puis a été acquis en 1930 chez Agnew’s par Steven Courtauld, le frère du célèbre chimiste. Il est repassé en vente en 1973 et a été acheté par le marchand londonien Colnaghi. Il a été cédé à un collectionneur français avant d’entrer en possession du propriétaire actuel.»

Mise à prix : 20 millions $
Le sujet semble avoir fasciné Mantegna pendant une partie de sa carrière. Il lui a consacré une série de dessins avant de réaliser ce tableau, probablement en 1492, alors qu’il avait dépassé l’âge de soixante ans. Dans cette version définitive, le Christ est présenté de dos. L’homme barbu, que l’on entrevoit dans la grotte des Limbes, est un prophète, peut-être Moïse. Parmi ceux qui sont déjà tirés d’affaire, l’homme jeune pourrait être Adam et la femme, Eve. «Le tableau est en bon état même s’il a été parqueté dans le passé. En 1973, il avait été vendu pour 1,25 million $. Nous l’estimons aujourd’hui entre 20 et 30 millions $.» Une belle somme qui est à la portée des grands musées américains. À l’exception, peut-être, du Getty, qui vient de débourser 50 millions $ pour s’assurer l’exceptionnelle Vierge aux œillets de Raphaël sur le marché privé anglais.