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Gao, écrivain à jet d’encre

Chez Gao Xingjian, prix Nobel de littérature 2000, une correspondance étroite lie l’œuvre écrite et les encres de Chine.

Le parallèle avec Michaux est tentant. Voici un écrivain reconnu, récompensé par l’académie suédoise, qui développe depuis 1964 une œuvre graphique imposante, et qui semble même s’y adonner de manière obsessionnelle. La difficulté du spectateur occidental à juger autre chose que la couleur ou la ronde-bosse fait voir dans ces images autant d’esquisses, d’essais spontanés, de dessins préparatoires. Bref, de l’inabouti. De l’inabouti qui tiendrait à la fois des paysages fantastiques de Victor Hugo, des taches de Rohrschach et des paesine, ces calcaires toscans qui portent l’empreinte de fougères arborescentes. L’intérêt du texte de Michel Draguet, curieusement imprimé dans un ton bordeaux - peut-être pour ne pas concurrencer la riche palette des noirs et des gris des planches - est de mettre en regard les textes de Gao avec leur prolongement graphique. La juxtaposition d’une page du manuscrit de La Montagne de l’âme avec Le Vent est parlante. D’un côté, des idéogrammes, qui s’enfuient en diagonale, de l’autre, des vibrations, des efflorescences qui semblent leur tendre un miroir. Alors qu’elle valorise hautement la reproduction à l’identique d’une forme humaine, notre culture figurative tend à déprécier le maniement de l’encre de Chine, trop flou, trop «facile». Quelle science, en revanche, pour rendre une telle variété de texture, pour donner à une larme, à une silhouette, ce mouvement, ce dynamisme. L’action painting, le tachisme de Mathieu s’en nourriront.


 Rafael Pic
26.11.2002