L’avant-garde française vue depuis MoscouUne sélection des mythiques collections Morosov et Chtchoukine est présentée au Canada.
Au début du XXe siècle, alors que les aristocrates de Saint-Pétersbourg se passionnent encore pour les maîtres anciens, les riches amateurs moscovites font preuve d’une indépendance infiniment plus grande dans leurs goûts artistiques. Parmi eux, Sergueï Chtchoukine (1854-1936) et Ivan Morosov (1871-1921). Ils évoluent dans les hautes sphères du commerce de textile et partagent une même passion pour l’art occidental… Le premier allait devenir l’un des premiers mécènes de Matisse, auquel il passa commande de La Danse et de La Musique. Le second devait, quant à lui, se passionner pour Gauguin, Van Gogh et Cézanne, et commander à Maurice Denis le cycle de Histoire de Psyché pour décorer le salon de musique de son hôtel particulier. Les transferts que subirent les œuvres de ces amateurs après la révolution furent complexes, mais nombre d’entre elles aboutirent finalement dans les collections de l’Ermitage, parfois cantonées dans les réserves jusqu’au milieu des années 1950.
Un esprit nouveau
Soixante-quinze toiles ont exceptionnellement traversé l’Atlantique pour être présentées à Toronto et Montréal dans le cadre de l’exposition «L’invitation au voyage». Ces chefs-d’œuvre méconnus, en comparaison de leurs homologues des collections occidentales, véhiculent une histoire : celle de leurs collectionneurs et celle d’une période cruciale pour l’art moderne. Le grand atout du catalogue est de démontrer qu’au-delà des querelles de chapelles entre modernité et tradition, entre impressionnisme et symbolisme, les toiles de Bonnard, Cézanne, Denis, Derain, Van Dongen, Friesz, Gauguin, Marquet, Matisse, Picasso, Puvis de Chavannes ou Redon traduisent un esprit nouveau. Une volonté ferme de puiser dans les sujets mythiques, les modèles anciens et un état de nature dépositaire d’une beauté intemporelle afin de rompre avec un académisme éculé, devenu le symbole d’une société urbaine viciée.
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