À la mode de chez nous

Dans la lignée de Hans Haacke qui déposait des questionnaires dans les musées pour établir le profil des visiteurs, les deux artistes d’origine soviétique, Vitaly Komar et Alex Melamid, ont lancé il y a quelques années, sous les auspices de la fondation new-yorkaise Dia, une étude internationale qui a nécessité des milliers de cobayes. Pour définir l’œuvre-type, celle qui recueillerait la majorité des suffrages dans les populations considérées, ils ont passé au crible tous les composants d’un tableau : la couleur, la forme, le sujet, etc. Le site internet présente les conclusions. Elles sont édifiantes par leur constance remarquable. Dans tous les pays interrogés, le bleu est la couleur préférée. On ne trouve que quelques bémols : les Russes l’aiment clair plutôt que foncé et les Ukrainiens mettent, chose extraordinaire, le vert au même niveau. Tous préfèrent les courbes aux angles droits, le figuratif à l’abstrait et le «classique» à l’«expérimental». Le printemps, l’été et le soleil sont de grands favoris (sauf au Kenya, où la saison des pluies recueille les faveurs). En fondant tous ces éléments, on obtient à peu de choses près le tableau qui pourrait faire les délices d’un salon provincial ou alimenter le dialogue des peintres du dimanche. Mais qui, jamais, n’atteindra les cimaises d’un centre d’art contemporain… Il s’agit toujours de la même scène d’Arcadie, avec de légères variantes. Pour la France : sur les bords d’un lac, près de meules de foin, en compagnie d’un cerf et d’une biche, on voit une jeune femme et ses deux enfants. En Chine, le cerf est remplacé par le zébu et le foin par le riz, en Turquie, les enfants se sont multipliés. Une seule hantise pour cette internationale de l’art populaire : les compositions abstraites, surtout lorsqu’elles sont en damier. Kandinsky, Braque, Soulages, où êtes-vous ?

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