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Expositions

Barthes, la pensée mise en formes

La DS, bien sûr, mais aussi le Japon ou les Guides bleus : le sociologue est à son tour devenu objet mythologique…


DS 19 Berline, 1957
François-Renaud Leblan
© Citroën communication
PARIS. L’hommage rendu par le Centre Pompidou à Roland Barthes est une vraie réussite intellectuelle et scénographique, un ravissement. Dès la première salle, une présence s’impose, celle d’une voix, mêlée au bruit de l’écriture sur le papier. Et cette voix, celle de Barthes, revient en plusieurs endroits. Cette voix synonyme de pensée en constante évolution, de curiosité à l’égard de la littérature avant tout, mais aussi de la philosophie, de la musique, de la peinture et, pour finir, de la photographie. L’exposition invite son visiteur à suivre un parcours chronologique : elle est organisée autour de ses livres majeurs, à commencer par Mythologies. Et elle propose, en parallèle, des rencontres avec des fragments de films, des tableaux, des objets qui caractérisent les principaux motifs autour desquels cette œuvre s’est savamment construite.

Une histoire de liens
L’interdisciplinarité, ou encore la transversalité, Barthes en a été l’un des principaux protagonistes, l’un des plus talentueux. La scénographie en illustre le principe : le visiteur, en même temps qu’il suit une pensée, goûte à toutes sortes de créations, modernes ou classiques, nobles ou populaires, mais aussi à des installations spécialement conçues pour l’occasion. Parmi elles, la création sonore d’Andrea Cera, fluide et nerveuse, abritée dans un couloir qui permet d’en apprécier agréablement la matière. Quant à celle d’Alain Fleischer, elle restitue intelligemment le regard que l’écrivain a porté sur la photographie dans son dernier ouvrage, La chambre claire. Les peintres qui sont convoqués illustrent cette idée que Barthes s’intéressait avant tout aux artistes plasticiens dont les œuvres établissaient des liens formels avec le geste de l’écriture. L’exposition dévoile donc l’univers du penseur, dans ce qu’il a parfois de très intime. On y découvre les outils que sont ses livres de référence, montrés dans un morceau de sa bibliothèque. On le suit dans ses voyages, au Japon notamment et, bien sûr, on regarde - autant qu’on les lit - ses manuscrits. Ceux de ses livres, mais aussi de ses cours, ses carnets de notes et ses fiches. Un immense mur expose celles-ci, et c’est très émouvant. Émouvante également, et installée de façon symbolique à la fin de l’exposition, la séquence d’un petit film sur la rivière de l’Adour, rappelant le lien que Barthes entretenait avec la région du Sud-Ouest. Cette rétrospective est trop dense pour que l’on puisse ici en témoigner autrement qu’à travers quelques impressions. Elle est, avant tout, celle d’une pensée authentiquement libre et personnelle.


 Gabriel Bauret
27.01.2003