Requiem pour un muséeÀ la fin du mois de janvier, le Musée des arts d’Afrique et d’Océanie sera vidé de ses collections. Un ouvrage relate l’histoire de ce temple de l’Art déco.
Et dire que le musée de la Porte Dorée aurait pu être de style khmer… En 1928, lorsque le maréchal Lyautey, commissaire de l’Exposition coloniale internationale, décide la construction d’un édifice destiné à devenir le musée permanent des colonies, la querelle des styles fait rage. Classique, à l’image du Grand et du Petit Palais, il serait la risée des architectes modernistes. La sobriété moderne ne serait pas en adéquation avec le prestige du seul bâtiment durable d’une manifestation qui s’annonce festive. Quant aux «manières» exotiques, elles poseraient la difficile question du choix : pourquoi opter pour l’indochinois plutôt que pour le soudanais ou l’andalou ? Vu du XXIe siècle, ce débat formel semble bien vain. Son résultat cependant ne peut laisser indifférent tant il constitue un trésor de l’Art déco. Panneaux de laque de Dunand, ferronneries de Poillerat, bureau de Printz en bois de palmier, luminaires de Subes, fauteuils en maroquin de Ruhlmann… Les photographies sont là pour rappeler que le Musée des arts d’Afrique et d’Océanie, c’était aussi cela.
Le pacte colonial mis en scène
Ces réalisations, tout comme les morceaux de bravoure que sont les 1 000 m2 de bas-reliefs de Janniot ou les fresques de Ducos de La Haille dans la salle des fêtes, répondent à un vaste programme iconographique. Comme les églises romanes, ce monument a été conçu pour être lu comme un livre, celui de l’«œuvre coloniale». Les richesses naturelles acheminées depuis les quatre coins de l’empire ne sont que la juste contrepartie des «apports moraux» de la mère patrie : l’art, la paix, le justice, l’industrie, la science ou la liberté. Illustrant des textes richement documentés, les vues de l’exposition coloniale, un reportage réalisé par Kertesz lors de la construction du musée ou des photographies des expositions temporaires viennent fixer dans la mémoire l’histoire de ce musée dont Tintin et Milou gravissaient les marches pour rapporter le fétiche arumbaya au terme de la longue enquête de L’Oreille cassée.
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