Miquel Barceló, de Majorque à l’international

À 20 ans, Miquel Barceló a déjà exposé au Musée de Majorque et dans une galerie de Barcelone. Initié aux arts par sa mère, qui peint dans la tradition des paysagistes de Majorque, fasciné par l’art brut et l’expressionnisme abstrait, il développe très tôt un goût pour l’hétérogénéité de la surface picturale et son traitement en volume. Durant les années 1980, ses œuvres devenues figuratives ont des tonalités volontiers terreuses. Ses nombreux voyages, notamment en Afrique, transforment cette gamme chromatique et l’incitent à poursuivre son travail d’incorporation d’éléments organiques au tableau, tout en lui faisant adopter de nouveaux sujets : natures mortes, paysages… Dans les années 1990, diverses séries se succèdent comme les Tauromachies, les Ateliers, les Tables digestives, les fonds marins… Parallèlement, il réalise quelques bronzes et des terres cuites qu’il peint et modèle après avoir été initié, au Mali, aux techniques de la céramique.
Le marché se fait l’écho de cette diversité de production. Si plus de la moitié des œuvres vendues sont des peintures, estampes et dessins représentent 46% des transactions. Depuis 1998, les prix des toiles n’ont cessé d’augmenter, entraînant une forte hausse du chiffre d’affaires malgré la relative stabilité du nombre de ventes. Symboles de cette tendance à la hausse, les cinq plus fortes adjudications répertoriées depuis 1992 ont été atteintes depuis l’an 2000, à l’image du record de l’artiste : Autour du Lac Noir, vendu pour 1,3 million € le 26 juin dernier.

Un vrai marché, avec de vrais collectionneurs
Timothy Taylor, directeur de la Timothy Taylor Gallery, Londres
Quand ses œuvres sont-elles apparues sur le marché ?
Timothy Taylor. Cela remonte au début des années 1980, je crois. Il était exposé en Espagne depuis le milieu des années 1970. En 1983, Naples avait accueilli sa première grande exposition à l’étranger (galerie Lucio Amelio) et, en 1986, la première aux États-Unis (galerie Leon Castelli). À l’époque, on le considérait comme un jeune artiste brillant et prometteur.

Que s’est-il passé par la suite ?
T. T. Au début des années 1980, le marché international s’est tourné vers des pays particuliers. On cherchait à identifier de jeunes artistes qui sont devenus de réelles stars, soumises tout à coup à des pressions énormes. Et puis, dans les années 1990, l’attention globalement s’est détournée d’eux. Cela n’a pas été le cas pour Miquel, sans doute parce que son œuvre dépassait les tendances et les modes, et qu’elle avait une très large audience. Pourtant, elle est redevenue un peu plus confidentielle.

Et en ce qui concerne sa cote ?
T. T. Pendant le même temps, son marché s’est raffermi et est devenu complètement international. L’évolution a été très rapide. Au début, ses peintures valaient peut-être 25 000 $ et, aujourd’hui, elles peuvent atteindre un million £. Mais c’est un vrai marché, avec de vrais collectionneurs. Il n’y a pas de manipulation.

Certaines œuvres sont-elles plus particulièrement recherchées ?
T. T. En vingt ans, le marché a identifié les périodes, les séries qu’il recherche. Les plus cotées, ce sont les paysages d’Afrique de 1991 ou les corridas de 1989. Les vues d’atelier de 1993 et les œuvres récentes - qui ont pour point commun la mer - suscitent également beaucoup d’intérêt. Mais je ne parle là que des peintures, alors que son œuvre, extrêmement dense, compte également des dessins sublimes et des céramiques, une technique qu’il a commencé à utiliser dans les années 1990.

Repères biographiques:
1957 : naît à Felanitx, Espagne.
1974 : première exposition individuelle, galerie d’Art Picarol, Majorque.
1984 : s’installe à Paris.
1984 : Bruno Bischofberger devient son marchand.
1988 : premier voyage en Afrique.
1995 : commence à travailler la céramique.