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Astérix est-il un bien culturel ?

Le Gaulois fait désormais partie de notre culture, mais le récit de ses aventures peut-il prétendre au statut de bien culturel ? Après les Romains, devra-t-il résister à l’emprise des sociétés de ventes volontaires, successeurs des commissaires-priseurs ?


La base du litige : Astérix
y est catalogué...
Le monopole des commissaires-priseurs a disparu depuis la loi du 10 juillet 2000, mais les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doivent remplir des conditions strictes pour exercer leur activité : obtention d’un agrément du Conseil des ventes, obligation de s’assurer pour couvrir leur responsabilité professionnelle et financière, avoir dans leur effectif au moins une personne habilitée à diriger une vente publique, etc. Cette palette d’exigences n’est pas imposée aux sites d’enchères en ligne, leur activité ayant été qualifiée par le législateur «d’opérations de courtage en ligne». De ce point de vue, la loi de juillet 2000 a satisfait à la fois les commissaires-priseurs et les sites d’enchères en ligne. Les ventes publiques dont l’organisateur intervient en adjugeant les biens et représentant le vendeur demeurent dans le giron réglementé, alors que les sites se contentant de mettre en rapport les vendeurs et acheteurs sans intervenir au cours de l’enchère sont dispensés du respect des obligations imposées aux acteurs des enchères traditionnelles. Tout le monde est content, à ceci près que le législateur a prévu une exception pour les biens culturels. Qu’elle ait lieu en salle de ventes ou en ligne, la vente de biens culturels doit satisfaire aux conditions imposées aux sociétés de ventes agréées. Et voilà que le ton monte entre le Conseil des ventes et les représentants de sites d’enchères en ligne sur le difficile exercice d’établir ce qu’est un «bien culturel».

Le Conseil des ventes tire le premier
Devant le silence de la loi, le Conseil des ventes a pris l’initiative et proposé une définition du «bien culturel» dans son avis du 19 septembre 2002. S’inspirant des textes épars évoquant les biens culturels - les textes sur l’ISF, la TVA, les dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle, etc. -, il a listé neuf catégories de biens, de la peinture aux livres en passant par les tapisseries et les photographies, puis fixé un seuil d’ancienneté. Ainsi, tout objet listé excédant 150 ans ou 75 ans pour les films et photographies est un bien culturel. Pour les biens de moins de 150 ou 75 ans signés ou attribués à leur auteur ou fabricant, ils sont qualifiés de biens culturels si d’autres biens du même auteur ou fabricant ont déjà fait l’objet d’une vente aux enchères officielle avec catalogue.

Interprétations élastiques
Définition trop large selon Gregory Boutté, directeur général d’eBay France, qui l’empêcherait de vendre des albums d’Astérix, l’un d’entre eux ayant été adjugé le 16 novembre 2002 en salle des ventes à Paris. Mauvaise interprétation selon Gérard Champin, président du Conseil des ventes, pour qui les reproductions en très grand nombre ne sont pas visées.
Cet avis du Conseil des ventes, qui n’a aucune portée juridique, a le mérite de fixer une trame de travail adressée aux ministres de la justice et de la culture. La polémique n’aura de cesse que lorsqu’une définition officielle aura été établie. On peut s’attendre à une prochaine contribution sémantique des représentants des sites de vente en ligne… Le concours de définitions est ouvert.


 Yann Queinnec
Landwell & Associés - Avocats
05.02.2003