Atget, le regard décoratifLe photographe de la vie parisienne arpentait aussi les rues et les jardins de la capitale.
Dans les jardins de Versailles, le Bacchus sculpté par Pierre Granier, saisi en contre-plongée, semble manger une grappe de raisins à même l’arbre qui se déploie au-dessus de lui. Un escalier de l’hôtel de Beauvais devient l’objet d’un jeu de lumière contrasté qui fait ressortir un bas-relief de sphinges affrontées mais aplanit, dans l’ombre, les marches et l’espace de circulation. Quant au miroir qui obstrue une cheminée de l’hôtel Matignon, il produit un effet de fenêtre ouverte et donne une étonnante perception de l’espace. Eugène Atget (1857-1927) a ainsi photographié une multitude de marteaux de portes, de panneaux sculptés ou de fontaines. Mais en les isolant par un cadrage serré et inédit, il leur confère une expressivité nouvelle.
De simples outils documentaires
Entre 1900 et 1926, ce n’est pourtant pas cette dimension artistique qui a primé dans la genèse de la collection de la Bibliothèque des arts décoratifs, soit 1 600 clichés sur papier albuminé, dont 350 sont ici reproduits. À l’époque, c’est au contraire leur caractère documentaire qui permet l’entente entre Atget et les deux figures historiques de la bibliothèque : Alfred de Champeaux, le conservateur, et Jules Maciet, le généreux donateur. Alors que le visage de Paris est bouleversé par les grandes opérations d’embellissement, tous trois aspirent en effet à dresser un inventaire des richesses menacées de la capitale. Longtemps dispersées parmi les albums de l’encyclopédie iconographique de Maciet, ces images étaient devenues de simples documents. Redécouvertes il y a trente ans, elles ont aujourd’hui été retirées des volumes et restaurées. Ce livre concourt à leur rendre leur identité.
| Céleste Tabar-Nouval 11.02.2003 |
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