Alain Nicolas, conservateur en chef du Musée d'arts africains, océaniens, amérindiens (MAAOA) de MarseilleAlain Nicolas explique sa fascination pour un Hercule du Vanuatu.
| Île de Malakula, Vanuatu,
personnage de masque,
pâte végétale polychrome,
tissu, bois, dépôt CCIM.
© Musée des arts africains,
océaniens et amérindiens,
Marseille. |
C’est un petit objet fabriqué sur un morceau de bois et sur lequel on a rajouté une pâte végétale. Un sculpteur inconnu l’a travaillé et a représenté un homme en érection. Il est en position de reproducteur, de géniteur, et ne possède que quatre doigts aux pieds et aux mains. Comme il y a deux petits trous en bas, je pense que l’objet faisait partie d’un masque ou d’un chapeau. Sa coiffure est en toile d’araignée et en tissu. Il a le visage et le corps peint en bleu, blanc et rouge. Le rouge c’est probablement un insecte, une cochenille. Quant à la couleur bleue, c’est anecdotique, mais quand les missionnaires ont débarqué au Vanuatu, ils utilisaient du bleu de lessive : un petit cube qui, mis dans la lessiveuse, rendait le linge très blanc. Les Small Nambas ont subtilisé ce bleu gauloise et l’ont utilisé pour leurs sculptures. Cette couleur permet de dater les objets : cela ne peut pas être avant 1897 (date des premiers missionnaires) ni après 1940, car on n’utilisait plus ce bleu. Cet objet date de la fin du XIXe siècle. Il provient du Vanuatu, un ancien condominium franco-britannique dans le Pacifique Sud et plus précisément du sud-ouest de l’île de Malakula (située au centre de l’archipel de Vanuatu), une région habitée par les Small Nambas (qui signifie littéralement «petits cache-sexes», en référence à l’étui pénien). Ils ont un héros-dieu, une divinité qui s’appelle Rambat et a accompli de nombreuses prouesses, un peu comme Hercule. C’est un héros très populaire, bien connu dans toute la région et je pense que le personnage devant nous le représente. Rambat était le cadet de cinq frères. C’était le plus petit mais aussi le plus malin, le plus intelligent. C’est un personnage fantasque qui vit dans le temps du récit. Il fait partie des mythes et légendes de l’île. J’aime cet objet car il est à la fois fort, avec un visage agressif, et sympathique. Il trône au milieu de la salle, il accueille un peu les gens, les regarde et les jauge.
| Christel Pigeon 24.02.2003 |
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