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Marché

L’empire victorien de Forbes

Christie’s disperse la collection de tableaux réunie par le magnat de la presse.


Edith Hayllar (1860-1948),
Une douche estivale.
© Christie’s.
LONDRES. «Le magazine peut constituer la “meilleure” collection de tableaux victoriens pour le prix de ces jolis, mais relativement peu importants Nymphéas de Monet accrochés dans votre bureau». Tel est le conseil que Christopher Forbes donna dans les années 1970 à son père, Malcom Stevenson Forbes (1919-1990), le directeur de la revue économique du même nom, déjà collectionneur d’œufs de Fabergé ou de souvenirs présidentiels - comme le chapeau que portait Lincoln le soir de son assassinat ou la lettre de démission de Nixon. Le patriarche a manifestement suivi cette recommandation ! Plus de trente années après, ce sont en effet 361 œuvres victoriennes qui sont mises en vente chez Christie’s. Une dispersion qui pourrait rapporter 25 millions £ à la société Forbes qui doit actuellement faire face à d’importantes difficultés financières.

Exposées à la Royal Academy
Cette collection dont on murmure qu’elle n’a d’équivalent que celles réunies par la Tate Gallery, le Victoria and Albert Museum et par le compositeur Andrew Lloyd Webber, a été constituée avec rigueur. Pendant un temps, le critère a été de ne sélectionner que des œuvres admises à l’exposition annuelle de la Royal Academy sous le règne de Victoria (1837-1901) ou des pièces liées à celles-ci - études préparatoires ou répliques. À ce noyau sont pourtant venues s’ajouter des peintures antérieures et postérieures… Cette transgression «autorise», par exemple, la présence de La Vision du Déluge de Füssli, une composition pour le cycle consacré au poète Milton, alors que le peintre d’origine zurichoise est mort une douzaine d’années avant l’accession au trône de la reine.

De Shakespeare au réalisme social
Résultat de cette démarche, l’ensemble est saisissant par sa diversité. La shakespearienne Titania endormie de Robert Huskisson (70 000 £) rencontre ainsi un forgeron au travail saisi par Walter Dendy Sadler (10 000 £) et les figures mythologiques d’Orphée et Eurydice de George Frederic Watts (50 000 £). Quant aux paysages orientalistes de Frederick Goodall et Sir John Lavery, ils contrastent avec la fraîcheur toute britannique de L’Été nacré de John Brett (180 000 £). Lors de la vacation du 19 février, trente-huit œuvres maîtresses seront dispersées. Y figureront celles d’artistes préraphaélites comme La Douzième nuit de Walter Howell Deverell (800 000 £), Aie confiance de John Everett Millais (800 000 £) ou Il dolce far niente de William Holman Hunt (1,2 million £). Pour ce portrait de femme assise, Hunt fit d’abord poser sa fiancée Annie Miller, le modèle du célèbre Éveil de la conscience, avant de lui préférer celle avec laquelle il devait se marier par la suite, Fanny Waugh.


 Zoé Blumenfeld
19.02.2003