Accueil > Le Quotidien des Arts > France, l’année de tous les Dufy

Expositions

France, l'année de tous les Dufy

Trois expositions pour le cinquantenaire de la mort de Raoul Dufy, et autant d'approches différentes. Nous avons demandé à chaque commissaire de nous présenter «son Dufy».


Dufy à Bordeaux

Dufy à Bordeaux, une première ?
Dominique Beaufrère, service culturel du Musée des beaux-arts.
Nous possédons, dans notre collection permanente vingt-huit œuvres de Raoul Dufy dont deux peintures et des études préparatoires de toiles célèbres comme La Grande Baigneuse ou La Seine, la Marne et l’Oise. Cet ensemble a été déposé par le Musée national d’art moderne. Bien que l’artiste n’ait jamais vécu à Bordeaux, il était très proche de Marquet, lui-même natif de la ville. La dernière exposition Dufy en Aquitaine datait de 1970.

Comment l’exposition est-elle articulée ?
D. B.
Elle s’organise autour d’une toile, Le Nu debout dans l’atelier de 1944. Les œuvres sont rassemblées dans une salle unique, repeinte dans des coloris orange-abricot pour reprendre les teintes de la toile centrale. Le visiteur entre donc dans l’exposition comme s’il entrait dans l’atelier du peintre. Les murs sont ornés de motifs chers à Dufy, à caractère oriental ou géométrique.

Quelles sont les œuvres majeures ?
D. B.
Très rarement présentée au public, en raison de sa fragilité, cette collection d’art graphique présente un intérêt en elle-même. Parmi les pièces importantes figurent une étude de nu à l’aquarelle et le Portrait d’une Marocaine, souvenir de son voyage en Afrique du Nord. Deux pièces proviennent de la bibliothèque municipale de Bordeaux : l’édition de 1919 du Bestiaire de Guillaume Apollinaire et Les Madrigaux (1920) de Mallarmé, qu’il a tous deux illustrés.


Dufy au Havre

Pourquoi une exposition Dufy au Havre ?
Annette Haudiquet, commissaire de l’exposition au Musée Malraux.
Il s’agit d’un double anniversaire : le cinquantenaire de la mort de l’artiste et les quarante ans du legs de soixante-dix œuvres par sa femme Émilienne. Le Havre est plus que la ville natale de Dufy. Très vite considéré comme un élève prometteur à l’École des beaux-arts, il bénéficie d’une bourse pour poursuivre sa formation à Paris dès 1900. À peine arrivé dans la capitale, il envoie quatre aquarelles à la municipalité en guise de remerciement. Cette exposition entre dans le cadre d’un cycle qui a commencé à l’ouverture du Musée Malraux, en 1999, avec une présentation de Georges Braque, Havrais d’adoption. En 2005, nous rendrons hommage à Othon Friesz et, en 2008, c’est le Salon de l’art moderne créé entre 1906 et 1908 par ces trois artistes fauves qui sera à l’honneur. Cette exposition a été réalisée en collaboration avec le Musée de Céret - lieu où l’artiste s’est réfugié durant la guerre - et la Piscine de Roubaix - qui, par sa vocation à associer art et industrie, a souhaité participer à cet hommage.

Sous quel angle est-elle abordée ?
A. H.
Alors que la critique de l’époque regardait d’un œil suspect le mélange des genres chez Dufy, nous avons choisi d’en faire le propos de notre exposition. Dans les années 1910, ses premiers flirts avec les techniques de l’illustration se concrétisent dans une œuvre fondatrice, Bestiaire de Guillaume Apollinaire. Il est alors remarqué par le couturier Paul Poiret avec qui il s’associe durant deux ans. Une robe de chambre issue de cette collaboration, inspirée d’une gravure intitulée Les Fruits, est d’ailleurs présentée. Sa vie est faite de rencontres qui influencent son travail : avec la maison de couture Bianchini Ferier, puis avec le céramiste espagnol Artigas. Plus de cent quatre-vingts œuvres sont présentées, dont une cinquantaine de peintures, soixante-dix études graphiques, trente faïences et des projets de tissus.

Quelle est la pièce la plus importante ?
A. H.
Certainement la décoration murale conçue par Dufy en 1929 pour le salon de la Villa Altana d’Antibes. Propriétée d’un collectionneur américain, cette œuvre n’avait jamais été présentée en France. Je citerais également la Tapisserie d’Amphitrite de 1936 exposée aux côtés de carreaux de céramique et de dessins. Pour des raisons de conservation, sera effectué un roulement des œuvres entre Céret et Roubaix. Chaque exposition aura donc sa personnalité.


Raoul Dufy, Le Jardin de
Montsaunès
, gouache,
1943, 50 x 65 cm.
© Fanny Guillon-Laffaille.
Dufy à Paris

Dufy a souvent été présenté à Paris…
Fanny Guillon-Laffaille, commissaire de l’exposition du Musée Maillol
.
Oui, après 1953, à la mort de l’artiste, les expositions se sont multipliées, puis il y a eu un grand vide à partir des années 1970. Pour ma part, je n’ai jamais cessé de présenter ses œuvres : en 1991 dans ma galerie, en 1995 à la Villa Médicis de Rome, en 1997 à la fondation Gianadda de Martigny et à l’Espace Electra de Paris. Bien sûr, en 1999, il y a eu la grande rétrospective de Lyon. Lorsqu’Olivier Lorquin m’a proposé d’organiser une exposition au Musée Maillol, j’ai accepté tout de suite. Le choix de la date correspond à l’anniversaire du cinquantenaire de la mort de l’artiste.

Reproduisez-vous la rétrospective de 1999 ?
F. G. - L
. Non, bien évidemment. J’ai donc cherché un thème. Il m’est venu tout seul. En tant que galeriste, je vois passer des acheteurs qui me demandent essentiellement des représentations de Courses et de Régates. J’ai voulu montrer l’autre visage de Dufy, les œuvres de sa jeunesse et de sa maturité à travers quatre-vingts tableaux et quarante aquarelles. Il s’agit d’une exposition incomplète dans laquelle je donne des clés… Les gens aiment où n’aiment pas ! Certaines œuvres sont présentées pour la première fois comme Port de Marseille de 1908, que je ne connaissais pas encore il y a un mois. Dans tous les travaux de Dufy transparaissent cette joie de vivre et cette légèreté qui témoignent du plaisir qu’il prend à réaliser ses peintures.

Quelles travaux mettriez-vous en avant ?
F. G. - L
. Je citerais La Foire aux oignons (1907), une toile surprenante par l’atmosphère d’hiver qu’elle dégage, La Grande Baigneuse (1913), éclatante de couleurs, La Nature morte à la tour blanche (1913) et Le Jardin abandonné (1913). Ce sont toutes des œuvres peu connues, des périodes cubiste et cézannienne de Dufy. Parmi les aquarelles, œuvres qu’il réalisait en 20 minutes, se trouvent deux croquis pour le Thé chez le Pacha de Marrakech (1926) et une Nature morte à l’artichaut (1943). Dans Le Jardin de Montsaunès, gouache de 1943, l’artiste a saisi un coin de nature après la pluie alors qu’un rayon de soleil apparaît. Un de ses premiers dessins au crayon est également présenté, Le Dîner des grands-parents (1895-96).


 Stéphanie Magalhaes
05.03.2003