Un nouveau Siècle d’or espagnolDéfinir cent ans d’art espagnol ? La fondation Pierre Gianadda s’y essaie sans convaincre totalement.
| Miquel Barcelo, Semilla, 1993
© Galerie Bishofberger |
MARTIGNY. On a souvent une vision floue de la création espagnole au XXe siècle. Le fait que certains artistes aient décidé de vivre en dehors des frontières - comme Picasso à Paris - a contribué à brouiller les cartes. Après les avant-gardes historiques et le cubisme de Picasso et Gris, on passe en revue l’étape «classique» des années 1920 avec la «figuration méditerranéenne» de Picasso, Dalí et Miró, puis le surréalisme de Dalí, et l’autre Picasso - encore un - des années 1930, lorsqu’il est en contact avec la sculpture en fer soudé de Julio González. La guerre civile espagnole (1936-39) constitue un point fort avec les œuvres préparatoires de Guernica. À l’époque où Franco veut imposer une identité nationaliste, les prémices d’une nouvelle avant-garde se dessinent à Barcelone en 1948, autour de la revue Dau al Set dont fait partie Tàpies. Les années 1950 voient se côtoyer différentes abstractions : celle, matérialiste, d’Antoni Tàpies, celle, gestuelle, d’Antonio Saura. Et le drame qui sourd des toiles de sac déchirées de Manolo Millares… Alors que Franco expire, l’Espagne se montre sensible au langage pop, avec Equipo Crónica et Eduardo Arroyo. L'exposition se termine sur une nouvelle avant-garde de renom international, illustrée par Juan Muñoz, María Sicilia ou Miquel Barceló.
Quatuor majeur avec figures
L’ambition du propos rend parfois indigeste l’accumulation de chefs-d’œuvre, qui courent tous les quarante centimètres sur les cimaises. On voudrait davantage d’espace pour ce Soleá d’Antonio Saura (1956) ou pour Le Peintre et son modèle de Picasso (1963). Un rapprochement fonctionne pourtant à merveille, celui qui réunit des personnages, d’autant plus chargés d’humanité que leurs auteurs ont connu de près toutes les grandes détresses du siècle : La Paysanne de Gris, La Lecture de la lettre de Picasso, Le Portrait de ma sœur de Dali et Portrait de la danseuse espagnole de Miró. Un florilège habilement contreposé à ce qui suit : l'ordre mesuré et géométrique de Pablo Palazuelo (Aube, 1952), de Jorge Oteiza ou d'Eduardo Chillida. Les amateurs de scoops en auront pour leur compte avec Carafe sur la table de Juan Gris (1926). Récemment redécouvert dans une collection suisse, il n’avait plus été exposé depuis la fin des années 1920.
| Muriel Carbonnet 06.03.2003 |
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