Tout pour le portraitÀ contre-courant des tendances documentaires, la portraitiste Julia Margaret Cameron a su donner à ses clichés l’évanescence des peintures préraphaélites.
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LONDRES. Dans les années 1840, la photographie est un art récent qui fascine. Les premiers chefs-d’œuvre voient le jour. Lewis Carroll, l’auteur d’ Alice au pays des merveilles compose autour de petites filles un univers poétique et troublant. D’identique stature, sa contemporaine Julia Margaret Cameron (1815-1879), née en Inde, éduquée à Paris, épouse d’un diplomate britannique, arrive à la photographie par hasard, lorsqu’en 1848 sa fille Julia lui offre un appareil. C’est le début d’une passion. Elle dira alors : «Mon seul désir était de fixer toute beauté qui se présentait devant moi et à la longue, ce désir a été exaucé». L’exposition montre, en une centaine de tirages, son obsession pour le portrait : elle photographie aussi bien ses enfants que sa domestique ou des personnalités comme Darwin, l'astronome Hetschel ou le poète Tennyson. Elle utilise la technique du collodion, pour accroître l'effet «impressionniste» de ses clichés, rompant ainsi avec l’approche documentaire privilégiée à l’époque. Ses visages, d’une beauté irréelle, évanescente, sont mis en scène sur des fonds sombres, bordeaux ou bleu foncé, dans le goût victorien. On retient essentiellement les portraits de femmes et d’enfants, poignants, car davantage nimbés d’innocence, de nostalgie à l’image d’Isabel Bateman (1874) ou de Sadness (1864). Spontanée et sincère, Julia Margaret Cameron voulait rendre le caractère de ses modèles, obsédée qu'elle était par la représentation de «l'homme intérieur». Sa persévérance et son intuition, joints à son talent, lui ont permis d’imprimer à ses portraits une acuité psychologique surprenante. Dans une forme qui rejoint l’esthétique des peintres préraphaélites, Rossetti ou Millais.
| Muriel Carbonnet 07.03.2003 |
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