Mauri fait son showLe prolifique artiste italien, hanté par l’image, bénéficie à soixante-dix-sept ans de sa première rétrospective en France.
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TOURCOING. Présentée sous une lumière tamisée, cette synthèse de l’œuvre de Fabio Mauri fera date. Monochromes, collages, photographies et objets détournés, projections, pièces sonores, témoignages de ses performances : plus de deux cents pièces ont été réunies pour cette plongée dans l’univers d’un artiste méconnu en France. Situé par Dominique Païni, commissaire de l’exposition, «entre Nouveau Réalisme français et Arte Povera italien», Mauri l’indépendant est une figure en Italie. Il fut l’ami de Pasolini, qui accepta de servir d’écran pour la projection de son propre film, L’Évangile selon saint Mathieu, lors d’une fameuse performance de 1975 (Intellettuale). Elle est ici réitérée sur la chemise blanche et la veste du cinéaste, qu’un figurant revêt à heure fixe. Mauri a largement exploré ce thème de l’écran, symbole de la société contemporaine. «Une prophétie pour l’époque», précise-t-il avec justesse. En 1957, il réalise son premier Schermo, monochrome de papier blanc encadré de noir, qui sera décliné par la suite sous des formes multiples (angles arrondis, images abstraites filtrées, titres tautologiques en gothique allemand). La modernité lui inspire une grande méfiance : «Quand les nazis sont arrivés, ils passaient pour des hommes modernes». Les idéologies, la guerre, la mémoire : autres thèmes récurrents, comme en témoigne le Muro occidentale, accumulation verticale de bagages «ethniquement différents». Cet indispensable travail de mémoire, Mauri l’a appliqué à sa propre histoire avec une longue dédicace à sa famille qui débute par Non ero nuovo («Je n’étais pas neuf»). Artiste généreux, Mauri n’en est pas moins grave. Ses cinquante années de recherche ont une étonnante résonance actuelle. Le public français s’en rendra-t-il enfin compte ?
| Sophie Flouquet 12.03.2003 |
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