Rolande Bonnain, L'empire des masques, éditions Stock
| | La nouvelle voie des masquesEntre l'ouverture de la nouvelle section du Louvre et l'avancée du projet du Quai Branly, une ethnologue explore le microcosme des collectionneurs d'arts premiers.
Intriguée par la vague d'engouement du public pour les arts premiers, Rolande Bonnain, ethnologue de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, a quitté son terrain de prédilection, la campagne du sud-ouest de la France, pour une autre tribu, les collectionneurs d'art précolombien et tribal. Pour mieux pénétrer ce «monde de silence» où la discrétion est de rigueur, elle a rencontré une cinquantaine d'individus et les a suivis dans le circuit de leurs passions, de leurs domiciles, véritables cavernes d'Ali Baba, à leurs lieux de chasse, le «Quartier» et ses galeries spécialisées, les salles de vente de Drouot, les brocantes...
Tout débute par la définition très scientifique -et un peu laborieuse- du sujet. Il s'agit de rappeler l'histoire de la notion d'arts premiers en s'appuyant sur le dépouillement d'un siècle de revues, et de catalogues de ventes. Il s'agit également de replacer le terme de collectionneur dans la longue lignée des humanistes à la tête de cabinets de curiosités (Antonio Giganti, Claude-Nicolas Pereisc ou Ferdinand II d'Autriche), des amateurs du siècle des Lumières, des savants analysant les objets rapportés lors des premières collectes ethnographiques ou des esthètes à la recherche de nouvelles formes d'expression artistique.
Une fois ce préambule posé, l'enquête s'avère passionnante. Entre descriptions animées, discours de collectionneurs sous couvert d'anonymat et analyses ethnologiques, on plonge dans un monde fédéré par ses pratiques et son idéologie. Pour les initiés comme pour les profanes, Rolande Bonnain dégage les caractères d'une sociabilité originale : ses réseaux où se côtoient collectionneurs, marchands et experts ; ses temps et ses lieux de rencontre ; son langage hérité du vocabulaire des voleurs, ferrailleurs et autres chiffonniers du 19e siècle ; sa définition personnelle du concept de «bon objet», entre pedigree occidental et authentification historique...
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