À qui profite la hausse ?Les médias parlent plus souvent des records que de ce qui fait le quotidien des ventes d'art aux enchères. L'analyse de ces ventes apporte des éléments nouveaux sur la rentabilité de ses différents segments.
Pratiquement la moitié des œuvres d'art adjugées entre 1992 et 2002 l'a été au-dessous de 1 000 €. Les œuvres d'un prix supérieur à 100 000 € représentent au total 1,36% des lots échangés, la tranche supérieure à 1 000 000 € n'atteignant que 0,11%. Un lot sur mille peut y prétendre et, en dix ans, 417 artistes seulement sont parvenus à cette cote.
C'est dire que les enchères records enregistrées lors de grand-messes médiatisées ne sont pas plus représentatives du marché de l'art et de son état que les rubriques du Livre des records ne le sont de l'économie. Elles constituent des éléments clés pour l'image et la promotion des maisons de ventes, et éventuellement pour leur rentabilité, encore que les conditions en soient souvent aprement discutées. Mais elles demeurent l'exception. L'art, comme la Bourse, est accessible à tous les budgets et constitue dans l’immédiat un bien meilleur placement, à condition, là aussi, d'agir avec discernement.
Les vrais prix de l'art
L'observation des prix sur dix ans montre que l'essentiel - 88,65% - des lots adjugés l'a été à moins de 10 000 €, la tranche de moins de 1 000 € représentent 49,42%. Cette répartition moyenne évolue parallèlement à l'évolution du chiffre d'affaires et des prix, les lots de faible valeur voyant leur pourcentage diminuer. Sur les années 2001/2002, dans un chiffre d'affaires en baisse de 7%, alors que les lots d'un montant supérieur à 100 000 € progressent légèrement, les tranches les plus basses ont diminué de 20 et 27%, conséquence de la sélectivité accrue et de la montée des invendus.
Autre indication intéressante, l'évolution du prix moyen des œuvres d'art en fonction des marchés. Notre graphique, basé sur les moyennes arithmétiques, est sensible aux prix extrêmes, ce qui favorise les États-Unis et la Grande-Bretagne. Il montre toutefois clairement une montée régulière du prix moyen des lots adjugés de 1998 à 2002, qui passe de 3 950 à 6 772 € pour la France, de 15 585 à 28 416 € pour le Royaume-Uni et de 32 596 à 49 992 € pour les États-Unis. Ceci traduit la plus grande sélectivité des acheteurs et confirme au passage la répartition internationale des ventes en fonction de la richesse et de la sophistication des marchés.
À chacun son profit
L'étude des taux de rendement en fonction des segments de prix débouche sur des constatations particulièrement intéressantes. Pour la peinture, plus le prix d'achat d'une œuvre est élevé, plus les chances de profit semblent fortes. Sur 5 ans, le taux moyen annuel de rendement s'établit à plus de 12% pour les œuvres d'un prix supérieur à 100 000 €, mais est négatif au dessous de 1 000 €. Mouvement rigoureusement inverse pour les estampes, où la tranche supérieure à 10 000 € accuse des pertes, tandis que les œuvres à moins de 1 000 € atteignent 16% de rendement.
Conclusion ? L'investissement le plus sûr dans la peinture paraît reservé aux investisseurs disposant de budgets d'achat de 100 000 €, tandis que l'estampe favorise les petits budgets. Difficile d'en tirer des normes absolues, mais les faits confirment ces chiffres. La raréfaction des œuvres aidant, plus la notoriété du peintre s'établit, plus les prix montent. Et avec la démocratisation du marché, les estampes, elles-mêmes en nombre limité, voient leur prix monter à la revente. La hausse est moins sûre au-dessus de 10 000 € où la peinture prend le dessus dans les choix.
Chacun, quel que soit son budget et ses goûts, peut conjuguer plaisir et placement. Ces indications nouvelles peuvent l'aider dans ses orientations.
| Jacques Dodeman 12.03.2003 |
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