Futuristes au grand completLes avant-gardes du XXe siècle font l’actualité. À côté de Malevitch à Berlin, de Breton à Paris, Vienne se penche sur les futuristes italiens, avec des œuvres rarement présentées.
| Giacomo Balla, Vitesse abstraite
et bruit, 1913, collection Peggy
Guggenheim, Venise, fondation
Salomon R. Guggenheim,
New York. © VBK, Vienne, 2003. |
VIENNE. Dès l’entrée, des couleurs à foison, du rouge, du jaune, du violet, des grandes lignes, un chapeau à fleurs : on est devant l’Idole moderne d’Umberco Boccioni (1911), une œuvre aussi splendide que peu connue, puisque conservée à Londres dans le discret musée de la collection Estorick. Se promenant ensuite à travers les cinq salles de l’exposition, jamais le visiteur n’abandonnera cette jouissance picturale qui l’a saisi dès le début. Surtout dans la grande salle centrale, dont les grands murs blancs et un accrochage spacieux laissent à ces tableaux larges et puissants la place nécessaire à leur épanouissement. Les thèmes propres au futurisme s’y trouvent dès lors parfaitement mis en valeur : fascination de la ville (Le Train d’infirmiers de Gino Severini, 1915), mythe de la vitesse (Vitesse abstraite et bruit de Giacomo Balla, 1913), déconstruction industrielle du paysage (La Gare de Milan de Carlo Carrà, 1910).
Révolutionnaires, puis fascistes...
Cette fois encore, le Kunstforum de Vienne a bien réussi son coup. Réputé pour des opérations souvent davantage marquées au sceau du marketing que de l’esthétique, cet espace dépendant de la première banque du pays, la Bank Austria, mêle ici avec bonheur le plaisir des yeux et les exigences de la recherche. Plus de deux cents œuvres (toiles, dessins, objets…) sont rassemblées à Vienne, en provenance de huit pays et de cinquante-cinq institutions ou collections privées. «Une telle exposition est d’autant plus difficile à réaliser que les œuvres sont très éparpillées dans le monde», souligne la commissaire Evelyn Benesch. Les futuristes, pour s’être déclarés révolutionnaires et nationalistes, ont été idéologiquement récupérés par les fascistes au début des années trente. Après la guerre, aucun musée national italien n’a voulu acquérir les œuvres d’artistes affublés d’une telle tâche brune. Ils s’en mordent aujourd’hui les doigts.
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