Louise Bougeois, Storm à Saint Honoré, 1994
© Centre de la gravure et de l'image imprimée
| | Catherine Braekeler (Centre de la gravure de La Louvière).De Storm at Saint Honoré, une gravure de Louise Bourgeois récemment entrée dans les collections, émane une violence dérangeante.
Depuis longtemps déjà je souhaitais compléter la collection du Centre avec des œuvres de Louise Bourgeois. Une occasion s’est présentée l’an dernier à la galerie Lelong à Paris : 5 œuvres de l’artiste font aujourd’hui partie de notre fonds permanent. Cette 51e épreuve sur les 100 réalisées sur les presses de l’atelier Harlan & Weaver Intaglio de New York mesure 62 centimètres sur 91. Louise Bourgeois a suivi une formation à l’atelier Hayter de Paris puis à New York. Sa pratique de la gravure la suivra ensuite tout au long de sa carrière. Datée de 1994, cette pointe sèche, Storm at Saint Honoré témoigne de la vigueur de l’artiste, alors âgée de plus de 90 ans.
La scène se passe rue Saint Honoré : au centre un arbre, peut-être un palmier, pris dans la tourmente. En dépit de sa simplicité technique, cette œuvre, presque cinétique, possède une force extraordinaire à mon sens. Les grands mouvements rendus par le parallélisme des traits font référence à l’enfance de l’artiste. Une enfance passée auprès de ses parents restaurateurs de tapisseries anciennes, dans un atelier décoré d’écheveaux de laine et de soie. Ces assemblages de fils textiles se retrouvent dans les masses fibreuses de la gravure.
Cette œuvre est caractéristique de la production de Louise Bourgeois par son caractère autobiographique sous-jacent. À la violence du trait, on peut associer une rage contenue durant toute son enfance contre une situation familiale des plus instables. L’artiste a beaucoup parlé de cette tempête intérieure qu’elle extériorise dans ses pratiques artistiques. En s’approchant un peu, on découvre un visage, celui d’un être qui crie, celui d’une artiste qui exprime sa douleur. Ainsi qu'elle l’a souvent revendiqué, les connotations sexuelles ne sont pas absentes de cette épreuve comme le laisse percevoir la forme vulvaire sur la droite.
Nous sommes très heureux de posséder une telle œuvre dans nos réserves. Après son acquisition, cette gravure a bien évidemment été présentée dans l’exposition «Corps à corps» en 2000, qui abordait le thème du corps dans l’art contemporain. Nous l’avons également prêtée au musée de Vevey, en Suisse, pour «Louise Bourgeois, Carol Rama». Pour sa prochaine sortie, il faudra se rendre au centre Beaunord, près du Centre Pompidou à Paris, à partir du 7 mars 2002.
| Propos recueillis par L'Art Aujourd'hui 29.01.2002 |
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