Léo Scheer, éditeur et galeriste

Lundi 24 mars. C’est la journée professionnelle au Salon du livre. Parmi nos nouveautés, il y a l’Autoportrait de Claude Berri. Il y parle beaucoup de sa vie de collectionneur et l’on peut voir combien le rapport à l’art est central dans son psychisme. Son goût pour l’abstraction l’a amené à composer des ensembles extraordinaires comme trente-cinq graffitis de Brassaï ou cinq rayographies de Man Ray. Nous préparons un livre sur la collection de photos, qui accompagnera l’exposition qui devrait être l’un des événements centraux pour les Rencontres d’Arles cet été.

Mardi 25 mars. J’accompagne Michelle Vignes à France Culture, où elle est invitée à une émission. Michelle, dont nous exposons actuellement les travaux à la galerie, est une photographe française qui habite à San Francisco. Elle suit depuis très longtemps l’American Indian Movement et a notamment assisté à l’occupation de la prison d’Alcatraz en 1968. J’annoncerai ce même jour l’arrivée aux Éditions Léo Scheer de Nathalie Rheims, dont nous publierons un livre emblématique à la rentrée. Il croisera fiction et images, à partir d’une collection surprenante de photographies post mortem. C’est une tradition qui s’est maintenue jusqu’aux années 1950. On réinstallait les morts dans des fauteuils, on les habillait, on leur ouvrait les yeux, pour avoir une dernière image d’eux. Nous aurons surtout des daguerréotypes mais aussi la célèbre photo de Proust par Man Ray. Proust l’avait appelé pour faire un portrait de lui, bien vivant, mais quand Man Ray est arrivé, Proust était mort !

Mercredi 26 mars. Nous faisons le bilan du Salon du livre avec la Fédération, c’est-à-dire avec les revues et les cinq éditeurs que nous regroupons - Farrago, Al Dante, Léo Scheer, Via Valeriano, Melville. Nous avons désormais notre propre force commerciale et nous allons discuter du développement de l’édition d’art et de photographie.

Jeudi 27 mars. La veille, nous aurons présenté L’Édition en procès, d’Emmanuel Pierrat et Sylvain Goudemare, qui est une histoire de l’édition à travers ses procès. Aujourd’hui, le tribunal de Carpentras doit prendre sa décision à propos du livre de Louis Skorecki, que j’ai publié. Si je suis condamné à six mois de prison avec sursis, comme l’a demandé le procureur, cela veut dire qu’il sera quasiment impossible de sortir des livres de fiction, de faire de la littérature à risque. Il ne restera plus que les contes de fées et encore ! On pourra toujours accuser Le Petit Poucet de Perrault de faire l’apologie de l’anthropophagie.

Léo Scheer est l’un des fondateurs de Canal Plus. Il a créé plusieurs maisons d’édition et anime la galerie 14-16 Verneuil en compagnie de Claude Berri, Sam Stourdzé et Nathalie Rheims.