Phidias ou pas Phidias ?

ROME. Peu de noms, dans l’histoire de l’art, résonnent comme celui de Phidias. La polémique qui entoure l’éventuelle restitution à la Grèce des frises du Parthénon - la seule de ses créations qui nous soit parvenue - suffit à le prouver. Aussi, c’est avec une excitation non dissimulée que le Times de Londres annonçait, le 13 mars, qu’une extraordinaire tête d’Apollon pourrait être attribuée au génial artiste du Ve siècle av. J-C. Cette tête a connu un parcours chaotique. Découverte il y a une dizaine d’années lors de fouilles clandestines à Anguillara, sur les bords du lac Bracciano, près de Rome, elle a été illégalement exportée en Allemagne puis en Grande-Bretagne. Les carabiniers spécialisés dans la répression du trafic d’art, menés par le commandant Ugo Zottin et le lieutenant-colonel Ferdinando Musella, l’ont localisée il y a quelques mois chez l’antiquaire Robin Symes et celui-ci n’aurait fait aucune difficulté pour la restituer. Présentée le 19 mars par le ministre italien de la Culture, Giuliano Urbani, elle va être soumise pendant deux mois à l’analyse d’un spécialiste, le professeur Antonio Giuliano, de l’Université La Sapienza de Rome. «C’est une tête en ivoire d’environ 21 centimètres de hauteur, explique Antonio Giuliano. Elle fait partie de ces sculptures dites chryséléphantines, c’est-à-dire d’ivoire et d’or. Mais l’or a disparu depuis longtemps ! A priori, on peut la dater du IVe ou du Ve siècle av. J.-C. Mais elle pourrait également être d’époque romaine.» Son surprenant état de conservation en fait une pièce exceptionnelle. Le quotidien Il Messaggero de Rome titrait La découverte du siècle et le Times évaluait sa valeur à plusieurs dizaines de millions de livres sterling… Le professeur Giuliano garde la tête froide : «Malgré sa beauté, cette tête n’est certainement pas de Phidias. Ce sont là des inventions de journalistes…»