Gun with hand, 2001
résine et fibre de verre
340 x 81 x 203 cm
© Photo G.Joron
| | Dennis Oppenheim entre en religionLe musée des beaux-arts d'Arras - une abbaye reconvertie - se révèle un cadre idéal pour les œuvres d'un ancien enfant terrible de l'art.
Artiste majeur de l'art du 20e siècle, Dennis Oppenheim est l'un des pionniers de l'avant-garde artistique qui, au passage des années 60 aux années 70, propose des nouvelles pratiques artistiques remettant en cause les formes traditionnelles de l'art. Dans le land art, le body art, il trouve une manière de montrer que « L'art ne consiste pas seulement en la fabrication des objets à placer dans des galeries. ». Dennis Oppenheim reviendra aux objets, comme dirigé par une fatalité incontournable.
Le Musée des Beaux-Arts d‚Arras, lui consacre actuellement une belle exposition à ne pas manquer. Trente œuvres monumentales sont présentées dans la salle d'exposition temporaire, le grand cloître et la salle du réfectoire de l'ancienne abbaye Saint Vaast transformée depuis 1832 en musée. On y accède par le rez-de-chaussée, tout en saluant non sans une certaine crainte révérentielle les gisants et les transits de 15e siècle. La présence des œuvres de Dennis Oppenheim ne dérange pas l'esprit des lieux. Sous la chaleur des spots lumineux qui leur font face expressément, une rangée des petits personnages en cire colorée, apposés contre le mur comme des condamnés à mort, se consument lentement. Derrière un faux mur noir, un système des poulies actionné par un moteur fait danser cinq marionnettes hautes comme trois pommes, habillées de vêtements noirs et ressemblant comme
deux gouttes d'eau à l'artiste lui-même. Elles frappent le sol de leur pieds lestes et souples, en cadence, comme une pluie des claquettes, drôlement menaçantes. Au milieu de la pièce, une vision, le cerf expulsant du feu par ses cornes.
Si les installations métaphysiques de Dennis Oppenheim et les photographies du land art exposées sobrement, sans emphase, sans affectation, ont quelque chose à voir avec les œuvres du passé, c'est parce que de tout temps une oeuvre d'art est et demeure une oeuvre conceptuelle, une cosa mentale. Above the Wall of Electrocution (1988), Blood Breathe (1996) œuvres d'apparence figurative, portent en elles une violence étouffée, un esprit d'inquiétante sollicitude dans un monde sans dieu. Elles répondent aux sculptures religieuses du musée comme le vide répond au plein dans une peinture abstraite, comme le doute répond à la certitude au cours des oraisons des mystiques : «Ars longa vita brevis ». Dans le réfectoire, à même le sol et sous le patronage d'un énorme carton de tapisserie du 16e siècle, les bateaux auto-portrait, l'homme foudroyé, l'homme au pistolet, n'ont jamais été montrés auparavant. Ils nous procurent le plaisir orgueilleux de compter parmi leurs premiers visiteurs. Surplombant le superbe damier patiné par le temps dans le patio du cloître, les anges de Dennis Oppenheim symbolisent la pérennité d'un esprit empreint de religieux qui fait corps avec ce lieu. Ce sont des anges déchus en fibre de verre portant entre leur plumes vertes, transparentes, des vraies scies métalliques, terrifiantes. Violence inouïe, mystère, beauté déclassée, modernité sans foi ni loi, que peut-on espérer?
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