Marché

Ceruti 1736

La cote de Giacomo Ceruti, le génial réaliste lombard, va-t-elle enfin atteindre le niveau qu’elle mérite ? À vérifier avec une Jeune Fileuse


Giacomo Ceruti, Jeune Fileuse,
vers 1736, estimée à 350 000 €.
© Finarte.
MILAN. Il Pitocchetto, le petit va-nu-pieds, l’appelait-on. Né à Brescia en 1700, Giacomo Ceruti mérite son surnom : après une série de portraits de patriciens et de tableaux religieux, il se spécialise en effet dans les scènes de genre. Des scènes de genre particulières, pour lesquelles il utilise un matériau épuisable : les gueux et les mendiants, les pauvres laboureurs, les fileuses orphelines. Mais sans aucune dérive moralisatrice et sirupeuse à la Greuze, qui est presque son contemporain. Ceruti a été élevé à la grande école du naturalisme lombard de Moroni et a été marqué par les gravures de Jacques Callot. Cette Jeune Fileuse, estimée à 350 000 euros, probablement exécutée autour de 1736 est un bon exemple de son métier : l’arrière-plan est à peine esquissé, toute l’attention devant porter sur le personnage et son visage, peint d’après nature, probablement sans aucune esquisse préparatoire. Federico Zeri, l’historien de l’art, qualifiait le cas de Ceruti d’unique : c’est un solitaire, il se distingue des autres écoles italiennes de l’époque, la napolitaine par exemple, qui observaient toujours la misère à travers le filtre classique, en la transformant en allégories arcadiennes. Toujours pour Zeri, les toiles attribuées à Ceruti regrouperaient en fait celles de trois artistes distincts. Cet élément, qui a certainement influé sur sa cote, ne devrait pas jouer pour la Jeune Fileuse : son pedigree semble en effet impeccable puisque le tableau, après avoir appartenu aux Avogadro, des notables de Brescia, qui furent parmi ses premiers commanditaires, est passé en 1882 dans une autre collection locale, celle du comte Salvadego.


 Carlo Farini
05.04.2003