Cézanne dans le blanc des yeuxL’un des derniers autoportraits de Cézanne est aujourd’hui mis aux enchères par Christie’s. Il pourrait dépasser 20 millions $.
| Paul Cézanne Autoportrait,
vers 1895, Estimation :
15 000 000/20 000 000 $
© Christie's |
NEW YORK. A l’instar de Rembrandt, Cézanne (1839-1906) est l’un des maîtres de l’autoportrait. Il en a réalisé vingt-six au long de sa carrière. S’il a beaucoup recouru à cet exercice d’introspection avant l’âge de cinquante ans, il l’a ensuite délaissé. Dans les quinze dernières années de sa vie, il ne s’est peint que quatre fois. Le tableau proposé par Christie’s est l’un de ces rares autoportraits tardifs - il date de 1895 - et le dernier encore en mains privées. Après avoir appartenu à Ambroise Vollard puis à Bernheim-Jeune et à Auguste Pellerin, il a été acquis par la galerie Wildenstein, qui l’a vendu à l’actuel propriétaire. Sur la toile, Cézanne a cinquante-cinq ans. Si une discrète reconnaissance commence à se faire jour, ses tableaux ne se vendent encore que pour quelques centaines de francs, dix fois moins que ce que tire Monet de ses propres créations. Et si Durand-Ruel commence à l’acheter en 1894, Cézanne est mortifié, la même année, par la décision de l’Etat français de ne pas accepter trois de ses tableaux qui font partie du legs Caillebotte… S’il est moins irascible que dans sa jeunesse, le peintre qui va marquer toutes les avant-garde du XXe siècle est toujours aussi peu sûr de lui. Lors de la fête que Monet organise à son intention à l’automne 1895 à Giverny, en compagnie de Clemenceau et de Rodin, il s’éclipse sans crier gare. Monet devra se charger de lui retourner ses tableaux… A l’époque, les atteintes du diabète et les dépenses inconsidérées de sa compagne Hortense Fiquet achèvent de noircir la situation personnelle de Cézanne, qui a l’honnêteté de se dépeindre au naturel : un regard méfiant sous les sourcils plissés, une bouche fermée, des épaules voûtées par des décennies d’inquiétude. Cet autoportrait, jamais exposé depuis 1936 et 1937 (respectivement à la rétrospective de l’Orangerie et à la Nationale des beaux-arts à Paris), était considéré comme un de ses chefs-d’œuvre par ses biographes Roger Fry et John Rewald. Estimé 15 millions $, il est une proie idéale pour les musées américains. A moins que quelque riche particulier - Bill Gates ? Andrew Lloyd Weber ? - soit prêt à débourser une somme conséquente pour une œuvre chargée en symbolique.
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