Questionnaire de Proust: pourquoi vaut-il si cher ?

PARIS. La maison de ventes Beaussant-Lefèvre, prudente, l’avait évalué à 25 000 €. Le questionnaire dit de Proust est en réalité un produit typiquement victorien. Celui-ci avait d’ailleurs été acheté à la librairie Galignani, rue de Rivoli. Dans les jours précédant la vente, la plus ancienne librairie anglaise du continent avait consacré une jolie vitrine à cet objet propre à alimenter toutes les nostalgies : un carnet impeccablement relié, comportant une liste interminable de questions. En y répondant, le patient contribuait à définir son profil psychologique. Avant la télévision, avant la radio, avant internet, Proust et consorts avaient tout leur temps pour se mesurer à des dilemmes tels que : Quelle est votre idée du malheur ? (« Etre séparé de maman » pour Proust) ; Votre idée du bonheur ? (« Vivre près de ceux que j’aime avec les charmes de la nature, une quantité de livres et de partitions et pas loin un théâtre français ») ; Pour quelle faute avez-vous le plus de tolérance ? (« Pour la vie privée des génies »). A l’époque, l’écrivain en herbe imaginait-il déjà qu’on le considèrerait comme tel ? Il n’avait que 14 ans. A voir le manuscrit, le futur dandy spleenétique maîtrisait les nuances de l’anglais - la langue dans laquelle étaient formulées les questions - au moins aussi bien que nos chères têtes blondes… Le carnet contient les réponses d'autres participants, qui ne sont pas passés à la postérité. Il appartenait à Antoinette Faure, la fille du Président du Conseil Félix Faure. Ce sont les descendants de la famille, amie de celle de Proust, qui l’ont mis en vente. L’acquéreur en est le couturier Gérard Darel, habitué des enchères démesurées. Il s’était fait remarquer en 1996 à l'occasion des grandes ventes consacrées par Sotheby's à Jacqueline Kennedy. Il avait acheté le collier que l'épouse du président américain portait lors de son voyage en France en 1961. Estimé 200 $, il avait été emporté à plus de 100 000 $….