Statues à gogo

Ses autorités et ses habitants semblent en tout cas accablés par l’ampleur des dons. Outre ses palais bâtis par les meilleurs architectes d’Europe, les perspectives admirables de la Venise du Nord honorent déjà abondamment ses patrons et fondateurs. Cet afflux soudain risque de lui donner l’aspect de l’un de ces musées post-présidentiels encombrés de vases de Sèvres et de trophées exotiques. 
Une trentaine de statues sont déjà là, ou en cours de construction. De Russie, vêtu d’une khalat et brandissant une mandoline, une statue de Djamboul, poète Kazak, qui en son temps a chanté d’un peu loin la gloire de Leningrad. Ou Akhmad ben Nossir Donich, écrivain tadjik, sous un kiosque de style persan. De Grèce le russophile président Ionnis Kapodistrias, sur 6 m 50 de haut. Du Canada un poète de langue française, Emile Nelligan. La France n’est pas en reste, et fait construire une Tour de la Paix d’acier et de verre de 18 m de haut, œuvre de Clara Halter et de Jean-Michel Wilmotte, inaugurée cette semaine place Sennaia, dans le centre. Le ministre russe de la Culture vient de se joindre au chœur des protestataires en rappelant que la place est protégée par l’UNESCO et que ce monument entame son intégrité. C’est au centre, bien sur, que tous les autres donateurs veulent voir leur statue et les édiles ne savent plus ou donner du monument.
On peut à vrai dire leur suggérer une solution qui conviendrait aussi sans doute au Ministre. Avec tous ces vides provoqués en Irak par la démolition des omniprésentes effigies du Raïs, auxquelles des raisons politiques évidentes empêchent de trouver immédiatement des substituts locaux, pourquoi ne pas y placer en dépôt le trop plein de Saint Petersbourg. Le derrick de la Paix n’y ferait pas mauvaise figure, et qui irait critiquer le poète en khalat et l’écrivain sous un kiosque persan ?