Des armures 24 carats

Cette bourguignotte a été fabriquée d'un seul tenant. Un prisonnier turc enturbanné, les mains attachées dans le dos, en forme la crête. Il est entouré de divinités ailées qui le tiennent par le bout de ses longues moustaches : la Victoire et la Renommée. A ce décor en relief réalisé au repoussé s'ajoute le travail de damasquinage : de fins rinceaux d'or contrastant avec la surface mate de l'acier bruni. Fait rare, l'histoire de ce casque est connue. Signé et daté, il a été créé en 1545 par les frères Filippo et Francesco Negroli pour Charles-Quint. En ce XVIe siècle, l'empereur espagnol n'est pas le seul à s'adresser aux artisans milanais pour ses armures de parade. Par leurs commandes, Henri II de France, Cosme Ier de Médicis, Ferdinand II du Tyrol, Charles Emmanuel Ier de Savoie ou Rodolphe II de Prague reconnaissent également l'excellence de leur art.

La vie dans les ateliers milanais
L'exposition du Musée Rath de Genève réunit actuellement une centaine de ces pièces d'exception. En plus de ses nombreuses photographies - vues d'ensemble et détails de rondaches, d'armures ou de gantelets - le catalogue propose un état des connaissances. Le conservateur José-A. Godoy dresse les grandes lignes de l'évolution stylistique de ces pièces : d'une esthétique de la pureté des lignes à l'influence du modèle antique puis au développement d'un décor maniériste couvrant toute la surface. Quant à l'historien Silvio Leydo, il livre le résultat de recherches menées dans les archives de Milan, Turin ou Parme. Il révèle ainsi quel était le mode de travail de ces armuriers : la répartition des tâches entre différents corps de métier, les contacts étroits avec les autres artisans du luxe - peintres, joailliers, brodeurs ou cristalliers -, l'association en sociétés commerciales ou l'arrangement d'alliances familiales… A défaut de permettre l'attribution rigoureuse des chefs d'œuvre du genre, cette contribution donne une vision à la fois précise et vivante de ces ateliers.