On a ressuscité MantegnaLes célèbres fresques de la chapelle Ovetari, détruites par un bombardement en 1944, revivent partiellement grâce à la puissance des ordinateurs.
| Le magicien Hermogène
converti par Saint Jacques
© Progetto Mantegna |
PADOUE. Le 11 mars 1944, les Alliés bombardent l’une des grandes cités d’art italiennes, patrie de Tite-Live et de Palladio. La chapelle des Ovetari, dans l’église des Eremitani, est touchée de plein fouet. Elle abrite un cycle pictural auquel ont notamment contribué Guariento, Antonio Vivarini et Mantegna. Les scènes les moins endommagées, comme la Décollation de saint Jacques, sont reconstituées au lendemain de la guerre, sous la direction de Cesare Brandi. Mais il ne s’agit là que d’un dixième de l’ensemble, qui couvrait plus de 700 m2. Le reste, réduit à l’état de débris ne dépassant guère la dimension d’un timbre, est rassemblé et envoyé à Rome, à l’Instituto Centrale del Restauro. Pendant un demi-siècle, ce trésor oublié alimente toutes les rumeurs. Certains experts le disent perdu. « Il n’en était rien, explique Anna Maria Spiazzi, surintendante au patrimoine artistique de la Vénétie. Trente-cinq caisses ont été renvoyées à Padoue en 1975 et trente-huit autres en 1992. De 1994 à 1997, tous les fragments ont été restaurés, catalogués et photographiés. Soit au total 80 735…» Reconstituer manuellement les fresques aurait représenté une tâche herculéenne et les manipulations auraient aggravé l’état des fragments. C’est donc à des ordinateurs en réseau, qui ont travaillé sans discontinuer pendant un an, qu’une reconstitution virtuelle a été confiée, suivant un algorithme complexe, élaboré par les professeurs Domenico Toniolo et Massimo Fornasier, de l’Université de Padoue, qui n’avaient pour seul modèle qu’une photographie en noir et blanc des années vingt. Deux scènes ont été très partiellement reconstruites : Saint Jacques devant Hérode (789 fragments) et Le Départ de saint Jacques pour son martyre (437 fragments). « La décision de reconstituer physiquement les fresques appartient maintenant au ministère de la Culture, poursuit Anna Maria Spiazzi. Mais la principale conclusion est que la méthode mise au point pourra être appliquée dans d’autres situations. Je pense notamment aux fresques de Tiepolo au palais Canossa à Vérone, également détruites pendant la guerre. »
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